L’essentiel à retenir
Le gouvernement de François Bayrou prépare, pour la mi-juillet, un plan budgétaire visant à combler un déficit public alarmant. Malgré une ligne affichée de rigueur sur les dépenses, l’exécutif se dirige vers une hausse des impôts. Le tournant fiscal est amorcé, dans un contexte économique fragilisé, alors que les tensions politiques s’aiguisent à l’Assemblée.
Face à l’ampleur du déficit public, l’exécutif devrait annoncer, d’ici la mi-juillet, un plan budgétaire reposant en partie sur une hausse des prélèvements obligatoires. Officiellement, l’effort portera avant tout sur les économies. Mais le ministère de l’Économie prépare déjà les esprits à un rééquilibrage fiscal.
Paradoxalement, c’est sans en avoir encore arrêté les modalités que le gouvernement Bayrou s’apprête à franchir un cap symbolique : rompre avec la ligne jusqu’alors défendue d’un redressement des comptes exclusivement par la dépense. Le Premier ministre ne rendra ses arbitrages qu’à la mi-juillet, mais les signaux venus de Bercy sont clairs : la trajectoire budgétaire ne pourra être respectée sans augmenter les recettes. Autrement dit, sans relever les impôts.
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Le contexte budgétaire laisse peu d’alternatives. François Bayrou s’est engagé auprès de l’Union européenne à ramener le déficit public sous les 3 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2029, contre 5,8 % prévus en 2024. L’année 2026 s’annonce décisive, avec une cible de réduction de 0,8 point de PIB en un an — soit deux fois l’effort prévu pour 2025. En valeur, cela représente 23,4 milliards d’euros à ajuster, voire 40 milliards selon un scénario « tendanciel » communiqué par l’exécutif, mais dont les paramètres restent confidentiels.
Officiellement, le gouvernement affirme vouloir concentrer ses efforts sur les économies. Mardi 3 juin, en marge d’une présentation à la presse, les responsables de Bercy ont répété que la limitation des dépenses publiques restera prioritaire. Mais cette ambition se heurte à une réalité bien connue de l’administration : la maîtrise des dépenses reste un objectif difficilement atteignable.
Les économies peinent à compenser le poids des dépenses
L’examen des premières remontées ministérielles en vue du budget 2026 illustre cet écueil. Selon le journal L’Opinion, les propositions des différents ministères aboutissent pour l’instant à une hausse de 8 % des crédits et à la création de 20 000 emplois publics supplémentaires — soit l’inverse du but recherché. Tous les ministres ont été priés de revoir leurs copies.
Des pistes existent toutefois. Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, envisage ainsi de supprimer ou fusionner un tiers des agences et opérateurs de l’État, ce qui permettrait, selon elle, d’économiser 2 à 3 milliards d’euros. Mais ces mesures ne pourraient pas toutes entrer en vigueur dès 2026.
Surtout, réduire trop brutalement les dépenses pourrait s’avérer économiquement risqué. La croissance française, déjà faible, montre des signes inquiétants de ralentissement. L’OCDE a ainsi abaissé mardi sa prévision pour 2025, de 0,8 % à 0,6 %, invoquant un climat d’incertitude et des tensions commerciales. Dans ce contexte, une contraction trop forte des dépenses collectives pourrait contribuer à plonger l’économie en récession.
Indicateur | Valeur / Estimation |
---|---|
Déficit public (prévision 2024) | 5,8 % du PIB |
Objectif de déficit (UE, horizon 2029) | Moins de 3 % du PIB |
Ajustement budgétaire à réaliser (2026) | 23,4 à 40 milliards d’euros |
Prélèvements obligatoires (2025) | 43,5 % du PIB (vs 42,8 % en 2024) |
Créations d’emplois publics prévues | +20 000 postes (chiffrage initial) |
Prévision de croissance (OCDE, 2025) | 0,6 % (révisée à la baisse) |
Une hausse des impôts envisagée pour équilibrer le budget
Résultat : l’ajustement budgétaire passe, de plus en plus, par les recettes. Pour boucler le budget 2025, le gouvernement Bayrou a déjà relevé significativement les impôts sur les sociétés et les hauts revenus. Selon le Haut Conseil des finances publiques, l’alourdissement fiscal explique « la quasi-totalité » de l’effort engagé à ce stade.
En 2026, le gouvernement espère rééquilibrer davantage les leviers. Mais l’idée d’une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires prend corps. Ceux-ci doivent déjà passer de 42,8 % du PIB en 2024 à 43,5 % en 2025, et pourraient continuer à progresser.
À Bercy, une étude approfondie sur les niches fiscales est en cours, avec l’objectif de supprimer celles jugées peu efficaces ou trop coûteuses. Par ailleurs, Amélie de Montchalin réfléchit à remplacer la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus par un mécanisme anti-optimisation, ciblant les contribuables les plus aisés. Autre hypothèse évoquée en interne : une hausse de la TVA, bien que cette option suscite l’opposition tant de la gauche que du Rassemblement national.
Un tournant fiscal à hauts risques politiques pour Bayrou
Cette inflexion vers une hausse des impôts provoque déjà des tensions. À droite, la perspective hérisse les responsables budgétaires. François Bayrou, interrogé le 27 mai sur BFM-TV, s’est contenté de déclarer que son plan demanderait « un effort à tous les Français, sans exception », et de la manière « la plus juste possible ».
Reste que, dans une Assemblée éclatée, le gouvernement aura besoin du soutien ou de l’abstention des socialistes pour faire adopter un éventuel plan d’austérité. Faute de majorité claire, un référendum sur les finances publiques reste une hypothèse envisagée, même s’il n’est pas tranché à ce stade.
Le budget 2026, encore en construction, s’oriente donc vers une combinaison d’économies partielles et de hausse des impôts. Même si le gouvernement ne l’admet pas frontalement, la trajectoire des recettes suggère une augmentation inévitable des prélèvements. D’autant que la dynamique naturelle des dépenses (santé, pensions, masse salariale) empêche toute baisse réelle à court terme. Selon Bercy, le mieux que l’on puisse espérer est une décélération de leur rythme de progression.
Le détail des mesures sera présenté aux alentours du 14 juillet. Mais une chose semble déjà acquise : le tournant fiscal du gouvernement Bayrou est amorcé.