L’OM au bord de l’asphyxie économique ?

L’OM dépense plus qu’il ne gagne et repose sur un propriétaire très discret. Zoom sur un modèle économique risqué qui inquiète les experts du football.

À Marseille, le football dépasse le cadre du sport. Il incarne une identité partagée, une ferveur ancrée dans le quotidien des habitants. L’Olympique de Marseille malgré ses résultats sportifs en demi-teinte, reste un emblème.

Alors que le Paris Saint-Germain vient de remporter sa première Ligue des champions (5-0 contre l’Inter Milan), l’OM, malgré sa place de dauphin en championnat, donne des signes de fatigue en coulisses. Les tribunes restent pleines, les recettes augmentent, mais l’équilibre économique du club repose sur une base fragile.

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Sur le plan sportif, l’OM continue de tenir son rang. Deuxième de Ligue 1 et qualifié pour la prochaine Ligue des champions, le club affiche un budget de fonctionnement de 260 millions d’euros pour la saison 2024-2025, avec une masse salariale de 148 millions. Cette performance attire des partenaires commerciaux solides, à l’image de Puma, et garantit une visibilité de premier plan.

Les finances semblent suivre : les revenus ont progressé de plus de 20 % en un an, selon les données de la DNCG. La billetterie à elle seule rapporte environ 3 millions d’euros par match, et les 38 millions d’euros générés au Vélodrome lors de la saison précédente placent le club dans le top 10 européen en matière de recettes de stade. À première vue, le modèle paraît robuste.

Une dépendance structurelle à la Ligue des champions

Mais cette stabilité repose presque entièrement sur la participation à la Ligue des champions. L’ensemble du modèle économique est structuré autour de cette compétition, devenue indispensable pour sécuriser des revenus stables. En l’absence de qualification, le club engage généralement des investissements massifs sur le marché des transferts afin de regagner sa place dès la saison suivante.

Certains contrats, notamment avec l’équipementier Puma, incluent des bonus indexés sur des participations successives à la compétition européenne, renforçant la pression sur les résultats sportifs. Ce mécanisme rend la stratégie financière particulièrement exposée aux aléas du terrain.

Un mercato coûteux et un déficit qui s’accumule

Sous la direction de Pablo Longoria, ancien recruteur devenu président, l’OM adopte une stratégie de renouvellement accéléré de son effectif. Jusqu’à 80 % des joueurs peuvent être remplacés d’une saison à l’autre. Depuis 2016, date du rachat par l’homme d’affaires américain Frank McCourt, le club a investi plus de 613 millions d’euros en transferts, dont 334 millions rien que sur les trois dernières saisons.

En comparaison, les ventes de joueurs n’ont rapporté que 401 millions d’euros sur la période, générant un déficit net de 212 millions sur ce poste. Plus globalement, en excluant les opérations liées au marché des transferts, le déficit cumulé dépasse aujourd’hui 467 millions d’euros. Le modèle repose sur une logique de flux tendus : les revenus sont immédiatement réinjectés dans les achats, et l’équilibre ne tient qu’à l’intervention régulière du propriétaire en fin d’exercice.

McCourt, un mécène désengagé face à un projet inabouti

À son arrivée en 2016, Frank McCourt ne se contentait pas de redresser l’OM sur le plan sportif. Il ambitionnait un projet urbain d’envergure autour du stade Vélodrome, en particulier sur le parc Chanot voisin. À l’image du modèle lyonnais, il envisageait une zone hôtelière, événementielle et commerciale intégrée.

Si la municipalité ne s’y opposait pas, la chambre de commerce, copropriétaire des lieux, a rapidement mis un frein à cette opération. Pendant plusieurs années, McCourt a conservé l’espoir de concrétiser ce projet pour pérenniser son investissement. Mais l’échec des négociations a enterré cette perspective, fragilisant encore davantage son engagement sur le long terme.

À partir de 2022, l’hypothèse d’une revente du club a commencé à circuler de manière plus sérieuse, notamment après une rencontre entre McCourt et ses équipes à Rotterdam, à l’occasion d’une demi-finale de Ligue Europa. L’homme d’affaires y aurait exprimé son souhait de ne plus assurer le financement des déficits en fin de saison. Des discussions auraient eu lieu avec un consortium saoudien, sans déboucher sur un accord financier.

Depuis cet épisode, les signaux de désengagement se sont multipliés, même si aucune annonce officielle n’a été faite. McCourt n’assiste qu’occasionnellement aux matchs et laisse la gestion quotidienne au duo Longoria-Ribalta.

Un avenir incertain pour un club sous pression économique

Officiellement, l’actionnaire reste mobilisé. Il a validé récemment un projet de déménagement du siège du club, présenté comme une étape symbolique d’un nouveau cycle. Le propriétaire continue d’appuyer la stratégie menée par la direction actuelle, qu’il considère en cohérence avec les ambitions initiales.

Mais en dépit de ces déclarations, l’avenir de l’OM reste suspendu à une réalité économique peu soutenable. Le club attire toujours les foules, il rayonne encore sur la scène nationale, mais sa dépendance à un mécène lassé, à des résultats sportifs imprévisibles et à un modèle court-termiste interroge. Le mythe tient encore, mais pour combien de temps ?


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