Que reste-t-il de Bernard Tapie ?

De l’Olympique de Marseille à l’affaire Adidas, il voulait tout : entreprises, football, pouvoir. Bernard Tapie a marqué la France des années 80-90. Mais au-delà de sa légende, que reste-t-il vraiment de son héritage ?

Il avait tout pour être un personnage de roman. Bernard Tapie fut un homme d’excès, de contradictions, de fulgurances. Un self-made-man d’une époque où la réussite flamboyante séduisait plus qu’elle ne dérangeait. Aujourd’hui, Près de quatre ans après sa mort, que reste-t-il de Bernard Tapie ? Une empreinte diffuse, éclatée, souvent controversée. Et un paysage français qui, sans lui, ne s’éclaire plus tout à fait de la même manière.

Il reste, d’abord, une trajectoire. Celle d’un fils d’ouvrier du 20e arrondissement de Paris devenu l’un des hommes les plus médiatiques de France. De ses débuts dans le commerce d’électroménager à sa reprise d’entreprises en difficulté dans les années 1980, Tapie a incarné cette idée que l’énergie individuelle pouvait tout bousculer – même les règles. Au cœur du capitalisme mitterrandien, il s’est imposé comme le visage d’un volontarisme entrepreneurial, certes brut, mais galvanisant.

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L’homme qui a tout incarné, jusqu’à l’excès

Ensuite, il reste une image. Celle du « boss » de l’Olympique de Marseille, victorieux en Ligue des Champions en 1993 – la seule pour un club français. Une victoire ternie, on le sait, par l’affaire VA-OM qui entraînera sa chute. Là encore, la double face : le héros populaire et l’homme condamné. Plusieurs fois. Abus de biens sociaux, fraude fiscale, corruption… La justice n’a jamais cessé de le rattraper, jusqu’à l’affaire Adidas-Crédit Lyonnais, interminable feuilleton judiciaire clos en 2021 par sa relaxe, peu avant sa mort.

Car il reste aussi cela : un cas d’école. L’affaire Adidas – dont les racines plongent dans les années 1990, au cœur de la privatisation de la banque publique – dit quelque chose des liens troubles entre pouvoir politique, institutions financières et justice. Un condensé des failles françaises. Tapie a cristallisé les zones grises de la République, entre public et privé, entre arbitrage et influence.

Une voix, une posture, une stratégie de rupture

Mais Tapie, c’est encore une voix. Rauque, théâtrale, omniprésente. Qu’il soit ministre de la Ville (1992-1993) ou animateur de talk-show, il ne s’est jamais contenté du rôle qu’on lui assignait. Il voulait tout, partout. Une forme de populisme entrepreneurial avant l’heure, entre provocation et empathie, capable de parler à la « France d’en bas » tout en jouant dans la cour des puissants.

Aujourd’hui, ses entreprises ont disparu, ses chaînes de télévision se sont éteintes, et l’OM n’est plus qu’un lointain souvenir de gloire. Il n’a pas laissé d’école, ni d’héritiers directs. Mais Bernard Tapie subsiste comme un révélateur : de la porosité entre affaires et politique, de la fascination française pour les héros déchus, et de cette tension constante entre réussite individuelle et bien commun.

Que reste-t-il de Bernard Tapie ? Un parfum d’époque. Celle où l’on croyait encore qu’un homme seul pouvait redresser une entreprise, un club, un pays. Une époque aujourd’hui engloutie par la défiance, les règles de conformité, et les crises à répétition. En somme, il reste l’ombre d’un mythe, aussi incandescent qu’inassimilable.


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