Longtemps considéré comme le mode de vacances le plus accessible, le camping change de visage. Installations haut de gamme, mobile homes tout équipés, parcs aquatiques dignes de véritables resorts… Porté par une demande croissante de confort, le secteur s’est transformé en une « hôtellerie de plein air » standardisée et lucrative.
Mais cette montée en gamme a un coût. En dix ans, le prix moyen d’une semaine au camping a bondi de 30 %, selon les professionnels. Dans le même temps, les petits campings familiaux ferment les uns après les autres, et les emplacements nus – la formule la moins chère – disparaissent progressivement.
Alors que la fréquentation reste élevée, le camping devient de plus en plus difficile d’accès pour les ménages modestes. Un paradoxe inquiétant pour ce qui fut longtemps le bastion des vacances populaires.
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Un succès qui masque une fracture
Le camping a la cote : près d’un Français sur trois a passé des vacances au camping au cours des trois dernières années. Le phénomène s’est renforcé après la crise sanitaire, avec un repli sur les vacances en France, une quête de nature et le retour de clientèles européennes fidèles – notamment néerlandaises et allemandes.
La France se classe aujourd’hui deuxième au monde pour son parc de campings (après les États-Unis) et première en Europe. Pourtant, près de 1 600 campings ont disparu du paysage en vingt ans. En cause : la fermeture de petites structures familiales ou municipales, souvent peu rentables, proposant des nuits à moins de 20 euros.
Un paradoxe s’installe : le camping n’a jamais été aussi populaire… et aussi inaccessible pour certains.
Du terrain nu au resort étoilé
Fini le camping à la bonne franquette, la tente montée à la hâte et le terrain nu partagé entre voisins. En 2025, les campeurs ne recherchent plus la rusticité, mais le confort. Proximité de la mer, piscine chauffée, hébergement confortable : autant de critères devenus déterminants pour une majorité de vacanciers. Le toboggan aquatique est même, sur certains moteurs de recherche, le premier filtre utilisé.
L’arrivée du mobile home dans les années 2000 a bouleversé l’offre. Aujourd’hui, il est omniprésent. Climatisé, équipé d’une cuisine et de chambres séparées, il ressemble davantage à un petit appartement qu’à une tente de camping. Certains campings ont basculé vers une logique quasi hôtelière, avec clubs enfants, espaces bien-être, animations permanentes.
Plus de 85 % des campings français sont aujourd’hui classés par étoiles. La catégorie 5 étoiles, introduite en 2010, s’est largement développée. Les établissements 4 et 5 étoiles représentent désormais 21 % du parc, mais concentrent 58 % des nuitées. Ils doivent répondre à des critères stricts : emplacements spacieux, raccordement à l’électricité, wifi, parking dédié… Autant de standards qui renforcent la logique de montée en gamme.
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Pourquoi les prix flambent
Construire un parc aquatique dans un camping peut coûter entre un et quatre millions d’euros. Installer un mobile home revient à environ 30 000 euros. Des montants hors de portée pour de nombreuses petites structures indépendantes, souvent contraintes de fermer ou de se vendre.
Ce type d’hébergement est très rentable. Un mobile home peut générer jusqu’à 20 000 euros de chiffre d’affaires annuel, contre 1 500 à 6 000 euros pour un simple emplacement nu. Il permet aussi d’étendre la saison au printemps et à l’automne. Les campings haut de gamme attirent une clientèle plus aisée, française ou étrangère, prête à payer davantage. Les marges, sur les grands établissements bien équipés, sont désormais très élevées.
Le paysage du camping français a été largement remodelé par des groupes comme Capfun, Yelloh! Village, Homair ou Sandaya, et par des fonds d’investissement comme PAI Partners ou même le fonds souverain d’Abou Dhabi. Ces acteurs rachètent des campings, les rénovent, les franchisent, et les réorientent vers les formules les plus rentables.
Le camping haut de gamme fonctionne comme une industrie. Les clients « zappent », et les groupes doivent sans cesse conquérir de nouveaux vacanciers via le web, nécessitant des budgets de communication importants. Parallèlement, la rareté du foncier, liée à la Loi Littoral ou à la Loi Montagne, rend la création de nouveaux campings très difficile. Résultat : le foncier devient cher, la concurrence faible, la rentabilité assurée.
Une accessibilité menacée
C’est la tendance la plus inquiétante pour les défenseurs du camping populaire. Les emplacements nus – pour tentes ou caravanes – représentaient encore 71 % du parc en 2011. Ils ne sont plus que 51 % aujourd’hui. Les groupes les remplacent peu à peu par des mobile homes.
« Dans quinze ans, les campings à l’ancienne n’existeront plus en France», se lamente Valérie, gérante d’un camping familial dans le Luberon. Cette raréfaction affecte particulièrement le littoral, où les prix explosent et où les campeurs de passage sans réservation ne trouvent plus de place.
Le camping était souvent le dernier refuge des familles modestes. La forme d’hébergement la moins chère, en tente sur une parcelle nue, disparaît. Avec elle, la possibilité de partir en vacances pour certains Français s’amenuise. L’exclusion menace une partie de la population.
Le camping traditionnel, c’était aussi un imaginaire de liberté, de simplicité, de rencontre spontanée. Aujourd’hui, il devient nécessaire de réserver, d’accepter un règlement strict, de se fondre dans un cadre très encadré. Ce mode de vacances se standardise. L’esprit d’antan s’étiole.