Médecine : Dot, le mini-robot qui explore le cerveau sans ouvrir le crâne

Peut-on opérer une tumeur cérébrale sans toucher aux zones vitales ? Robeauté mise sur Dot, son robot miniaturisé, pour répondre à ce défi médical majeur.

L'ESSENTIEL DE L'ARTICLE

• La start-up française Robeauté a levé 32 millions d’euros pour lancer en 2026 des essais cliniques de son microrobot cérébral Dot.

• Dot, long de 10 mm, permet d’atteindre des zones inaccessibles du cerveau sans ouvrir le crâne, en réduisant les risques chirurgicaux.

• Propulsé comme une vis sans fin, ce robot chirurgical est guidé par intelligence artificielle et contrôlé en temps réel via ultrasons.

• Il peut réaliser des biopsies, délivrer des traitements ciblés et surveiller l’activité cérébrale dans des pathologies comme les tumeurs ou l’épilepsie.

• Robeauté vise une autorisation de la FDA d’ici 2028 pour s’imposer sur le marché américain, où la chirurgie robotisée est en forte croissance.

Ouvrir un crâne reste, en 2025, l’un des gestes les plus risqués de la médecine. Chaque année, des milliers de patients atteints de tumeurs cérébrales ou de maladies neurologiques sont confrontés à la même équation tragique : intervenir, au risque d’endommager les fonctions vitales, ou renoncer. Les zones du cerveau responsables du langage, du mouvement ou de la mémoire sont souvent inaccessibles aux instruments chirurgicaux classiques, trop rigides ou trop invasifs. Même les traitements médicamenteux se heurtent à une forteresse biologique : la barrière hématoencéphalique, qui empêche nombre de substances d’atteindre leur cible.

C’est à ce défi médical majeur que s’attaque Robeauté, une start-up de la medtech française, fondée en 2017 à Paris par deux ingénieurs, Bertrand Duplat et Joana Cartocci. Hébergée dans la pépinière de l’hôpital Cochin, la start-up, forte d’une quinzaine de personnes, ambitionne de rendre la neurochirurgie plus sûre, plus précise et moins invasive grâce à une technologie inspirée… de l’exploration spatiale.

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Une aventure née d’une épreuve personnelle

C’est à la suite du diagnostic d’une tumeur cérébrale chez sa mère que Bertrand Duplat, ancien ingénieur passé par l’Université McGill et l’Agence spatiale européenne, décide de consacrer ses compétences en robotique et environnements extrêmes à la médecine.
« Le cerveau est une frontière technologique à franchir, comme l’espace », explique-t-il. En croisant ses savoirs en informatique 3D et en robotique, il conçoit avec son associée une technologie inédite, aujourd’hui protégée par plus de 50 brevets et récemment récompensée par le prix de l’innovation Medi’Nov 2024.

Dot : un microrobot chirurgical de la taille d’un grain de riz

Au cœur de cette innovation, Dot, un robot miniaturisé mesurant 1,8 millimètre de diamètre pour 10 millimètres de long. Fabriqué en titane, verre et polymères biocompatibles, ce minuscule dispositif est conçu pour naviguer à l’intérieur du cerveau, à travers les tissus, avec une précision millimétrique.

Injecté via une petite incision, Dot se déplace lentement à travers la matrice extracellulaire, suivant une trajectoire préalablement définie par le neurochirurgien à partir d’un modèle 3D du cerveau du patient. Cette planification est optimisée par intelligence artificielle afin d’éviter les zones critiques.
Propulsé par un mécanisme hélicoïdal, à la manière d’une vis sans fin, le robot avance et recule tout en douceur. Sa position est suivie en temps réel grâce à un système d’ultrasons, le tout piloté par le chirurgien via une manette, grâce à un fil relié à une interface positionnée sur le crâne du patient.

Cette approche permet d’atteindre des zones inaccessibles avec les outils actuels, tout en limitant les lésions collatérales et les risques liés à l’ouverture du crâne.

Une plateforme polyvalente pour le diagnostic et le traitement

Conçu comme une plateforme modulaire, Dot peut embarquer différentes fonctions :

  • Réaliser des microbiopsies, pour établir des diagnostics précis même dans les zones à haut risque.
  • Administrer des traitements, en délivrant localement des médicaments à proximité immédiate des cellules malades.
  • Collecter des données physiologiques en temps réel, pour mieux comprendre et surveiller l’activité cérébrale.

Les applications envisagées couvrent un large spectre de pathologies : tumeurs profondes, épilepsie, maladies neurodégénératives. En ouvrant de nouvelles voies d’accès, Robeauté ambitionne de rendre réalisables des interventions jusqu’ici inenvisageables.

32 millions d’euros pour franchir une nouvelle étape

Depuis sa création, la start-up a levé 32 millions d’euros, dont 27 millions en 2025 lors d’une levée de fonds en série A. Parmi les investisseurs figurent plusieurs fonds européens et américains : Plural, Cherry Ventures, Kindred Ventures, LocalGlobe, Think.Health, Apex Ventures, et l’américain Brainlab, spécialiste de la chirurgie assistée par ordinateur.

Objectif : lancer les essais cliniques sur l’humain dès 2026, après des tests précliniques réussis sur des animaux. Aucun incident majeur n’a été enregistré lors des premières expérimentations menées sur des moutons.
Parallèlement, Robeauté prépare son expansion aux États-Unis, où l’usage de la robotique en chirurgie est déjà deux fois plus répandu qu’en France. La start-up vise l’obtention des autorisations réglementaires de la FDA pour une mise sur le marché prévue en 2028.


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