Immigration : ce rapport qui dérange

L’immigration est-elle un fléau ou une force économique pour la France ? Un rapport de Terra Nova dévoile des vérités qu’on préfère souvent ignorer.

Il est des vérités qui dérangent. Des constats qu’on préfère taire, étouffer sous le vacarme des peurs agitées par des marchands d’illusions, obsédés par les chiffres bruts déconnectés des dynamiques humaines. Depuis des années, le débat public français sur l’immigration est ainsi captif d’une dramaturgie mensongère où l’étranger est d’abord un problème, un danger, une menace. Pendant ce temps, la réalité, elle, avance. Et elle montre clairement que sans une politique migratoire assumée et offensive, notre économie et notre modèle social s’effondrent à petit feu.

A LIRE AUSSI
Le coût du travail, boulet de l’économie française

C’est ce que rappelle, sans fard, un rapport publié ce 12 mai par le think tank Terra Nova. Ce rapport sonne comme une alarme posée sur la table des responsables politiques. Une alarme qu’il serait criminel d’ignorer plus longtemps. Car derrière les peurs fabriquées, une évidence s’impose : la France a besoin de l’immigration pour vivre, pour produire, pour financer son avenir.

Le compte à rebours est enclenché

Le vieillissement de la population, le recul de la natalité, le déséquilibre grandissant entre actifs et retraités : les chiffres de l’Insee le disent avec une froideur clinique. Toutes les projections convergent. Pour maintenir l’équilibre économique et social d’ici à 2040, il faudra accueillir entre 250 000 et 310 000 travailleurs immigrés par an. C’est une nécessité, non une option.

Certains hurleront à l’invasion, criant à la trahison des élites. Ils oublient, ou font semblant d’oublier, que cette dynamique est déjà à l’œuvre. En 2022, la France a accueilli 331 000 immigrés. Le pays tient déjà debout grâce – en partie – à ces femmes et ces hommes qu’on refuse trop souvent de voir autrement qu’à travers le prisme du soupçon.

La migration, moteur de l’économie française

Le rapport de Terra Nova l’expose sans détour : notre économie est déjà dépendante de l’immigration. Qui s’occupe de nos aînés dans les grandes métropoles ? Qui construit nos logements, nettoie nos bureaux, sert dans nos restaurants ? Des travailleurs immigrés. Ils sont aussi médecins, ingénieurs, chercheurs, soignants. Un médecin sur cinq en France est diplômé à l’étranger. Voilà la réalité.

Et ce que disent les experts, de l’OCDE à la Cour des comptes, c’est que ces travailleurs rapportent plus qu’ils ne coûtent. Une contribution positive, discrète mais réelle, qui soutient nos finances publiques, notre consommation, nos cotisations sociales. Une respiration économique que nous refusons de nommer.

Pourtant, le paradoxe est cruel : alors que la société française fonctionne déjà grâce à l’immigration, une majorité de nos concitoyens en surestime le nombre, en redoute les effets, piégée par des représentations faussées. Le chiffre réel – à peine 11 % de la population – est écrasé sous le fantasme du grand remplacement. Une imposture intellectuelle que les responsables politiques laissent prospérer par lâcheté ou calcul.

La vérité est ailleurs. Elle est dans les files d’attente des préfectures, dans les talents empêchés, dans les réfugiés abandonnés à leur sort alors qu’ils pourraient répondre à nos besoins économiques. France Stratégie le dit : ces compétences sous-utilisées sont une chance gâchée par une politique d’intégration défaillante.

L’urgence d’une politique à la hauteur des enjeux

Le gouvernement tente d’avancer, timidement, à coups de circulaires et de lois. Mais cela ne suffit pas. Il faut une stratégie claire, ambitieuse, qui assume enfin que l’immigration est une richesse et non une charge. Une stratégie fondée sur quatre piliers : l’apprentissage du français, la reconnaissance des qualifications, l’accès au logement et une véritable politique d’intégration culturelle et sociale.

Assez de fuites en avant sécuritaires. Assez des faux débats sur l’immigration « choisie » ou « subie ». Le vrai sujet, c’est de savoir si nous sommes capables de transformer cette dynamique inévitable en levier de progrès collectif. Car sans cela, le risque est grand : voir notre modèle social vaciller, nos services publics se dégrader, notre économie s’essouffler.

Il est temps d’en finir avec les postures. La France a besoin d’une politique migratoire lucide, responsable et offensive. Elle a besoin d’ouvrir les yeux sur ce qu’elle est déjà : une société métissée, diverse, interdépendante. Faire de cette réalité une force, tel est l’enjeu politique et moral des années à venir.


Réagissez à cet article