Cette appli révèle les coins les plus moches de votre ville

MipMaps est une plateforme participative française qui invite chacun à noter la beauté ou la laideur des lieux urbains, pour sensibiliser à l’esthétique quotidienne.

Faut-il nécessairement être urbaniste, architecte ou historien pour évaluer la beauté d’un lieu ? À rebours de cette idée, la plateforme MipMaps invite chacun à porter un regard personnel, mais argumenté, sur son environnement quotidien. Son ambition : faire émerger une cartographie participative du beau et du laid, reflet sensible et subjectif de notre rapport aux espaces.

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MipMaps se veut à la fois outil citoyen et démarche esthétique. Il ne s’agit pas de classer mécaniquement des villes ou des quartiers, mais d’offrir à chacun la possibilité d’exprimer un jugement — éphémère ou durable — sur ce qu’il voit. Une boussole de l’esthétique, selon ses concepteurs, qui donne aux passants, aux habitants, aux promeneurs urbains, le rôle d’“éclaireurs du beau… et du moins beau”.

Un outil simple et interactif

Disponible en ligne via MipMaps.app, la plateforme est gratuite et ne nécessite pas d’installation. Elle fonctionne à la manière d’un outil de notation géolocalisée. Une fois connecté, l’utilisateur peut évaluer un lieu selon son apparence esthétique ou signaler un espace considéré comme dégradé, monotone, ou en rupture avec son environnement.

Deux actions principales sont proposées :

  • Noter : dans un rayon de 60 mètres autour de soi, l’utilisateur peut évaluer la qualité esthétique d’un espace sur une échelle de 1 à 5, à partir de sa position ou en sélectionnant un lieu sur la carte.
  • Signaler : cette option permet d’identifier un endroit problématique — tas d’ordures, bâtiment délabré, sculpture incongrue ou chantier disgracieux.

Les résultats sont visibles sur une mappemonde interactive, où des hexagones colorés s’agrègent pour former une mosaïque esthétique : du « très moche » au « très beau », en passant par l’“art raté” ou le « panorama secret ». Parmi les lieux déjà notés figurent, entre autres, la Tour Montparnasse à Paris, qualifiée d’“archi moche”, ou la pyramide du Louvre, parfois perçue comme un “artefact dissonant”.

Une idée née de l’inconfort visuel

L’idée de MipMaps est née d’un constat partagé par ses fondateurs : la beauté des lieux de vie ne va plus de soi, et l’enlaidissement urbain est rarement questionné. Le projet a été co-conçu par Rémi Froger, cartographe de 33 ans, et David Bourdier, concepteur de sites et d’applications numériques.

Le premier raconte avoir eu un “déclic” lors d’une promenade parisienne, heurté par un immeuble dont l’esthétique tranchait avec l’élégance haussmannienne alentour. Le second évoque une nuit d’errance dans une zone industrielle désertée, marquée par l’impression d’un « gouffre architectural ».

En réponse, ils imaginent un outil participatif, accessible à tous, permettant de reprendre la parole sur l’espace public et son apparence, trop souvent laissée aux seuls experts.

Militer pour une esthétique partagée

Au-delà de l’aspect ludique ou interactif, MipMaps revendique une ambition politique. Rémi Froger, qui milite activement sur les réseaux sociaux contre ce qu’il appelle les “dérives architecturales”, souhaite contribuer à une prise de conscience collective. « Je ne veux pas faire la leçon », précise-t-il, « mais permettre à chacun d’exprimer ce qu’il ressent face à la beauté — ou à son effacement ».

L’application entend ainsi devenir un indicateur alternatif, susceptible d’alimenter les réflexions des urbanistes, collectivités ou aménageurs. Car selon ses créateurs, la dimension esthétique est largement absente des politiques publiques, faute de données et de volonté. Or, affirment-ils, ce que les habitants perçoivent comme laid ou incohérent n’est pas anodin : cela affecte leur quotidien, leur rapport à la ville, et parfois leur santé mentale.

Résistances professionnelles et critiques idéologiques

Si MipMaps attire la curiosité de nombreux utilisateurs, l’accueil du projet reste contrasté chez les professionnels de l’urbanisme. Les fondateurs affirment avoir contacté plus de cinquante agences ou écoles d’architecture, souvent sans réponse. « Il y a une forme de rejet, comme si parler de beauté revenait à être réactionnaire », constate Rémi Froger.

La critique de l’architecture contemporaine, notamment de certains projets standardisés ou décontextualisés, reste délicate dans un milieu parfois frileux à l’autocritique. Pourtant, MipMaps ne prétend pas imposer une norme : il donne à voir une pluralité de perceptions, et pose la question dérangeante mais nécessaire de la qualité esthétique de ce que l’on construit.

Un projet en évolution constante

Accessible sur ordinateur et mobile via navigateur, la plateforme prépare une version dédiée pour Android et iOS, avec l’ajout prochain de commentaires et de photos.

L’équipe travaille aussi à développer des outils spécifiques pour les collectivités locales et les professionnels du territoire, afin que cette cartographie sensible puisse nourrir des diagnostics urbains, ou aider à penser autrement l’aménagement.

Et si demain, nos villes se dessinaient à partir de ce que nous ressentons — et non plus seulement de ce qu’elles coûtent ?


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