Transmettre une entreprise, ce n’est pas juste la vendre et passer à autre chose. Si certains ont pu le croire, ce n’est plus du tout le cas, a fortiori dans le contexte économique de 2025. Revoir son approche est donc indispensable, surtout avec près de 700 000 entreprises qui changeront de mains dans les 10 prochaines années selon le chiffre annoncé courant mars 2025 par Véronique Louwagie, ministre déléguée en charge des PME.
A LIRE AUSSI
L’operating partner, nouvel atout des dirigeants en quête de solutions
L’environnement économique mondial actuel, fait d’incertitudes et de changements continus des règles du jeu, oblige à comprendre et à travailler sur la dimension opérationnelle en ayant une vision business et managériale de l’entreprise. Être un tacticien de la vente ou du rachat ne suffit plus pour réussir. Travailler seul ou avec uniquement l’appui d’experts techniques non plus.
Au-delà de la technique, de la création de valeur
Au-delà d’une opération financière et juridique, la transmission est en effet une opération de création de valeur. Elle n’a de sens qu’en permettant la réalisation de la vision et des perspectives de développement élaborées par le repreneur, ce qui demande qu’elle soit structurée en conséquence et en tenant compte de l’environnement et de l’état des marchés. L’enjeu est de sécuriser ses perspectives de développement futures. Si cela est fait, alors la valeur créée dépassera la rentabilité générée pour l’acquéreur.
Cependant, trop souvent encore, dans les faits, faute de préparation opérationnelle, aucune richesse n’est générée, ni pour l’entreprise (sous-valorisation, ralentissement de la croissance, absence de retour sur investissement, perte de chiffre d’affaires, etc.), ni pour ses collaborateurs (désengagement des collaborateurs, enchainement de démissions, destruction d’emplois, etc.). L’entreprise peut même être exposée à des risques, par exemple de mauvais alignement stratégique et de baisse de performance.
Le recours croissant à « ceux qui l’ont déjà fait »
Pour éviter ces écueils, de plus en plus de dirigeants, cédants et repreneurs, se font épauler par des professionnels « qui l’ont déjà fait ». Les acteurs des M&A impliqués sur les opérations de transmission recommandent eux-aussi de plus en plus souvent aux dirigeants de se faire accompagner par des operating partners. Le mouvement a démarré dans les entreprises ayant ouvert leur capital et dont les stakeholders étaient attentifs à la mise en évidence du potentiel de l’entreprise et à la valorisation de ses actifs.
D’où que vienne l’impulsion, l’operating partner, en tant qu’ex-chef d’entreprise, complète la vision et l’analyse comptables de l’entreprise (bilan, résultat d’exploitation, marge et valeur comptable) avec ce qui relève de son organisation (services, implantations, etc.) et de ses processus. Son regard et son approche instillent du pragmatisme et de la projection au projet de transmission.
Un appui précieux, que l’on soit cédant ou repreneur
Il peut aider le cédant à formaliser les “composants stratégiques” de l’entreprise : la proposition de valeur, l’offre et son évolution, l’approche “sales & marketing”, et l’organisation cible pensée au service de la croissance et de la valorisation. Intervenir sur la structuration opérationnelle est clé pour mettre en œuvre tout de suite le plan de développement. C’est la façon la plus efficace de montrer que le projet est réaliste, réalisable et générateur de valeur – i.e. de chiffres d’affaires et de rentabilité.
Quand il intervient auprès du repreneur, il va par exemple l’aider à se projeter, lui donner un aperçu de ce qu’il peut construire, de la façon dont l’entreprise va servir ses plans à 2/3 ans pour ensuite s’accorder avec le cédant sur une juste valorisation.
Dans les deux cas, il est souvent sollicité pour élaborer un diagnostic opérationnel (que certains appellent OBR pour « operational business review ») qui va compléter les audits financiers (IBR) et juridiques traditionnellement établis.
Il arrive qu’il détecte des risques opérationnels susceptibles de freiner une transformation de l’entreprise ou de ralentir l’exécution de la stratégie du repreneur, apportant une aide précieuse au dirigeant fondateur de PME qui cherche à donner un nouvel élan à la société qu’il a créée tout en valorisant ses actifs dans un projet plus ambitieux et audacieux.
L’operating partner peut enfin recommander des actions pour rendre les collaborateurs davantage acteurs du projet, en analysant et en valorisant leurs expertise et savoir-faire dans la nouvelle configuration, en réfléchissant à la façon dont ils vont contribuer à l’intégration des 2 entités, en servant la dynamique d’innovation et de réinvention de l’entreprise, etc.
In fine, l’apport d’une expertise opérationnelle non seulement sécurise la transmission, mais aussi maximise son impact pour les deux parties. Travailler sur cette dimension souvent méconnue et moins maîtrisée sécurise la phase post-transmission et multiplie les chances de pérennisation des entreprises et de création de valeur à moyen terme.
Isabelle Saladin
Présidente fondatrice d’I&S Adviser