TikTok au cœur de la nouvelle guerre froide numérique

TikTok interdit aux États-Unis ? L’ultimatum approche et la guerre entre Pékin et Washington s’intensifie. Découvrez les scénarios envisagés.

L’avenir de TikTok aux États-Unis est suspendu à une échéance : le 19 juin. À cette date, ByteDance, sa maison mère chinoise, devra avoir cédé ses actifs américains à des intérêts locaux, sans quoi l’application pourrait être interdite sur le territoire américain. Utilisée par près de 170 millions d’Américains, TikTok est au centre d’un bras de fer géopolitique d’une intensité croissante, mêlant sécurité nationale, souveraineté numérique et rivalité sino-américaine.

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TikTok, outil d’influence

L’affaire TikTok cristallise plusieurs enjeux fondamentaux. D’abord, celui de la sécurité nationale : Washington craint que le gouvernement chinois puisse accéder aux données personnelles des utilisateurs américains. Ensuite, la souveraineté technologique est en jeu, alors que les États-Unis cherchent à contrôler les infrastructures numériques opérant sur leur territoire. Enfin, TikTok est devenu un outil d’influence culturelle à grande échelle, au cœur d’une économie de l’attention que les grandes puissances veulent désormais maîtriser.

Retour sur les épisodes d’une crise

La pression sur TikTok ne date pas d’hier. En janvier 2024, la Cour suprême américaine a ordonné à ByteDance de se désengager, en fixant une première échéance au 19 janvier. Cette décision faisait suite à des années de suspicion de la part des agences de renseignement américaines, qui pointaient un risque de captation de données par le Parti communiste chinois.

Dans les mois suivants, l’administration américaine a prolongé les délais à plusieurs reprises, invoquant la complexité des négociations. Mais à mesure que la date butoir de juin approche, les positions se durcissent, à Washington comme à Pékin.

Les acteurs d’un jeu stratégique

Donald Trump, entre pression et ambiguïté

L’ancien président américain, toujours influent dans les cercles politiques et économiques, a adopté une posture ambivalente. Il a cherché à lier la cession de TikTok à des concessions commerciales de la part de la Chine. En mars, il évoquait ouvertement la possibilité d’une réduction des tarifs douaniers si Pékin acceptait la vente. En avril, il déclarait à bord d’Air Force One : « Si j’avais donné à la Chine une petite baisse des droits de douane, ils auraient approuvé l’accord en 15 minutes. »

Cette stratégie de marchandage économique n’a toutefois pas porté ses fruits. La Chine n’a pas cédé, malgré les pressions, et les négociations sont restées au point mort.

Les acheteurs potentiels : Oracle, Microsoft, Amazon

Plusieurs entreprises américaines ont manifesté leur intérêt pour un rachat partiel ou total des opérations de TikTok aux États-Unis. Oracle, partenaire technologique existant de ByteDance, est évoqué comme favori. L’entreprise aurait proposé de superviser les données américaines sur le territoire national. Microsoft a également été mentionné comme acquéreur potentiel, tout comme Amazon, qui aurait récemment pris contact avec des représentants de la Maison Blanche.

Des obstacles structurels majeurs

La Chine a clairement exprimé son opposition à une vente contrainte. Dans le contexte de la guerre commerciale, céder TikTok serait perçu comme un aveu de faiblesse. Selon plusieurs sources, ByteDance aurait averti Washington que le gouvernement chinois avait décidé de ne pas soutenir l’accord, en réaction à l’augmentation des tarifs douaniers décidée par les États-Unis.

Les relations commerciales entre les deux puissances se sont encore tendues. Les droits de douane imposés par les États-Unis sur plusieurs produits chinois ont été relevés à 125 %, tandis que Pékin a riposté avec des augmentations similaires. Ce contexte complique toute avancée politique ou économique concernant TikTok.

Des sénateurs démocrates, notamment Mark Warner et Ed Markey, contestent la légalité des délais prolongés accordés par l’exécutif américain. Ils estiment qu’aucun cadre juridique ne permet à l’administration de forcer un tel accord. Côté républicain, le sénateur Tom Cotton a mis en garde les entreprises américaines intéressées par le rachat, affirmant que le Congrès ne les « protégera jamais » si elles s’engagent dans un partenariat avec une entité liée à la Chine.

Quels scénarios à l’horizon du 19 juin ?

Plusieurs hypothèses circulent à l’approche de l’échéance. L’option la plus radicale serait l’interdiction pure et simple de TikTok aux États-Unis. Une seconde possibilité serait un accord de dernière minute, validé par les deux gouvernements, mais qui reste peu probable au vu de la tension actuelle. Un recours judiciaire de ByteDance ou de ses partenaires pourrait aussi retarder l’échéance. Enfin, un prolongement officieux des négociations, hors cadre légal strict, pourrait temporairement calmer les tensions sans résoudre le fond du problème.

Une affaire plus large que TikTok

Ce qui se joue dépasse de loin le cas d’une seule application. TikTok est devenu un objet de confrontation entre deux modèles économiques, politiques et culturels. Sa régulation pose une question majeure : qui détient le pouvoir de contrôler les infrastructures numériques transnationales ? L’affaire TikTok s’inscrit dans une redéfinition des équilibres géostratégiques, où le numérique devient un terrain de conflit ouvert.


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