Quand Elon Musk et le Kremlin volent au secours de Marine de Pen

Il y a les jugements rendus par la justice, et puis il y a les jugements rendus par les réactions. La condamnation de Marine Le Pen à deux ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics a déclenché une vague de soutiens. Mais une vague très particulière. Car elle vient exclusivement de régimes autoritaires et de figures de l’extrême droite.

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Moscou, toujours prompte à défendre ses alliés idéologiques

Le Kremlin a été le premier à dégainer. Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, a accusé la France de « violer les normes démocratiques », affirmant que « les opposants politiques sont éliminés par voie judiciaire ». Un commentaire particulièrement acide venant d’un régime où l’on emprisonne les opposants, où l’on empoisonne les dissidents et où la justice est un outil politique à ciel ouvert.

Mais l’objectif est clair : décrédibiliser les démocraties libérales en soulignant leurs prétendues contradictions. Et le choix de Marine Le Pen comme figure à défendre ne relève pas du hasard : le Rassemblement National entretient depuis longtemps une proximité avec Moscou, notamment via des financements bancaires. Le Pen incarne, aux yeux du Kremlin, une version européenne de la souveraineté conservatrice, hostile à l’UE, à l’OTAN et à l’État de droit tel qu’il est défini à Bruxelles.

Orban et Salvini : solidarité de famille idéologique

En Europe, c’est le cœur du bloc populiste qui s’est exprimé. Viktor Orban a lancé un sobre mais retentissant « Je suis Marine ! » Matteo Salvini a dénoncé une « déclaration de guerre de Bruxelles » contre les forces patriotes. Ce n’est pas un simple réflexe d’amitié : c’est l’expression d’un alignement politique revendiqué. Tous trois partagent la même méfiance vis-à-vis des institutions européennes, de la presse libre et des mécanismes indépendants de justice.

Pour Orban, régulièrement épinglé pour avoir affaibli son propre système judiciaire et muselé les contre-pouvoirs, la condamnation de Marine Le Pen est du pain bénit. Elle lui permet de dénoncer, encore et toujours, le prétendu deux poids deux mesures de l’UE. Et d’alimenter l’idée que les forces souverainistes sont persécutées par une élite européiste intouchable.

Musk, le soutien technolibertaire

Puis il y a Elon Musk. Dans un message posté sur X, il a écrit :
« La démocratie est en danger lorsque les opposants politiques sont poursuivis. Soutien à Marine Le Pen. »

Derrière cette déclaration qui se veut principielle, on retrouve une rhétorique désormais bien installée : celle d’un « système » qui utiliserait ses leviers institutionnels — justice, médias, commissions électorales — pour neutraliser ses ennemis. Cette idée, popularisée par les droites radicales américaine et européenne, trouve en Musk un relais de choix. Lui qui revendique une posture anti-système et qui multiplie les prises de position proches de figures de l’ultra-droite, devient un amplificateur mondial d’un discours profondément politique.

Un soutien homogène… et très parlant

Ce qui saute aux yeux, dans cette cascade de réactions étrangères, c’est leur homogénéité. Aucun soutien ne vient des gouvernements occidentaux. Ni de la droite classique, ni de la gauche modérée. Les seules voix qui prennent la défense de Marine Le Pen sont soit issues de régimes autoritaires, soit affiliées à des mouvances populistes ou ultraconservatrices.

Ce constat dessine une réalité crue : le Rassemblement National ne se contente plus d’un rôle de perturbateur national. Il est devenu un acteur à part entière d’une constellation politique mondiale, qui partage une défiance vis-à-vis des règles démocratiques, une fascination pour l’homme fort, et une volonté de refonder l’ordre international sur les piliers de la nation, de l’autorité et de la méfiance envers les institutions.

Un héritage qui pèse lourd… et qui interroge

En dénonçant une justice instrumentalisée, ces soutiens dévoilent en creux l’isolement international du RN au sein du camp démocratique classique. Et c’est là que la question devient politique, stratégique même : ce soutien international, venu de régimes illibéraux et d’acteurs radicaux, est-il un atout dans la campagne à venir — ou un boulet ?


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