Ce que l’État ne dit pas sur la baisse du Livret A

Le Livret A va perdre encore en rendement cet été. Mais pourquoi l’État laisse-t-il faire ? Un silence qui cache une stratégie plus profonde qu’il n’y paraît.

Le 1er août 2025, le taux du Livret A devrait tomber à 1,7 %, poursuivant une baisse amorcée en février, où il avait déjà été abaissé de 3 % à 2,4 %. En l’espace de six mois, ce produit d’épargne détenu par plus de 80 % des Français aura donc vu son rendement amputé de plus de 40 %. Aucun débat public. Aucune prise de parole gouvernementale. Aucune justification politique. Un effacement volontaire, couvert par la rhétorique de la règle automatique.

Un mécanisme ajustable, mais laissé volontairement inchangé

Or cette baisse n’est pas une fatalité. Elle résulte d’un mécanisme que le pouvoir politique peut interrompre. La formule de calcul du Livret A — une moyenne entre l’inflation hors tabac sur six mois et les taux interbancaires à court terme — n’a rien d’intangible. Le gouverneur de la Banque de France, en accord avec le ministère de l’Économie, a le pouvoir de s’en écarter. Il l’a fait pour le Livret d’épargne populaire (LEP), dont le taux a été maintenu à 3,5 % en février, malgré une formule qui aurait conduit à une baisse. Il ne l’a pas fait pour le Livret A.

Pourquoi cette différence de traitement ? Pourquoi cet abandon silencieux de l’épargne de masse, celle des classes moyennes, des ménages modestes, de ceux qui mettent de côté sans défiscalisation ni optimisation ? L’État laisse s’appliquer une règle qui, dans le contexte actuel de baisse de l’inflation et de détente monétaire, organise mécaniquement l’érosion du rendement. Il s’en remet à une logique purement technique, là où une décision politique serait légitime — et nécessaire.

L’épargnant devient variable d’ajustement

Ce choix, car c’en est un, s’inscrit dans une orientation plus large : celle d’une désolidarisation progressive entre la puissance publique et les instruments d’épargne populaire. Il ne s’agit plus de garantir un minimum de rendement réel face à l’inflation, mais d’aligner les produits réglementés sur une gestion comptable des taux, au nom de la stabilité financière. L’épargnant devient variable d’ajustement, dans une équation où les marges des banques sont préservées et où les décisions de la BCE dictent l’agenda.

Ce silence autour du Livret A dit quelque chose d’essentiel : le renoncement de l’État à défendre les intérêts économiques de la majorité sociale. Il ne s’agit pas d’un oubli, ni d’un malentendu. Il s’agit d’un consentement. Consentement à l’invisibilisation de la dépossession, à la neutralisation du débat démocratique, à l’effacement de toute réponse politique à une politique monétaire qui n’a jamais été neutre.

Tant que le pouvoir exécutif s’abritera derrière des formules mathématiques pour éviter d’assumer ses responsabilités, l’injustice sociale ne sera pas une conséquence : elle sera le cœur même de sa gouvernance.


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