Le Parquet national financier (PNF) a requis, jeudi 27 mars, une peine de sept ans de prison et 300 000 euros d’amende à l’encontre de Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir bénéficié d’un financement illégal de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime libyen de Mouammar Kadhafi.
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Le PNF a également demandé six ans de prison et 100 000 euros d’amende contre Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Élysée, ainsi que trois ans de prison et 150 000 euros d’amende contre Brice Hortefeux, ex-ministre de l’Intérieur.
Sarkozy se défend sur Twitter
Dans une déclaration publiée le jour même sur Twitter, Nicolas Sarkozy a vivement dénoncé ce qu’il qualifie d’acharnement de la part du PNF. Il affirme qu’après treize années d’enquête et trois mois d’audience, aucune preuve tangible n’est venue étayer les accusations à son encontre.
Selon lui, les affirmations du clan Kadhafi n’ont jamais été suivies d’effets probants, et la fameuse note révélée par Mediapart aurait été jugée non crédible et inutilisable par la justice. Il réfute catégoriquement l’usage de fonds libyens dans sa campagne, évoquant tout au plus des flux de liquidités « minimes et sans lien avec la Libye« .
L’ancien président s’en prend également à ce qu’il considère comme une violation de la présomption d’innocence, dénonçant le « caractère violent et faux » des accusations, et estimant que les peines réclamées visent à masquer la faiblesse du dossier.
Se posant en victime d’une injustice, il conclut : « Je préfère être celui qui défend la vérité que celui qui commet l’injustice. Devant le tribunal de l’Histoire, la place réservée à ce dernier n’est pas la plus enviable.«
Un pacte « inconcevable » entre Paris et Tripoli
Mercredi, les procureurs ont décrit un pacte de corruption noué entre l’équipe de Nicolas Sarkozy et le régime de Kadhafi. Selon l’accusation, l’ancien président aurait été le véritable décisionnaire et commanditaire d’un système de financement occulte, qualifié d’inouï et d’indécent.
Le ministère public reproche à l’ex-chef de l’État des faits de corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs. Des contreparties diplomatiques et économiques auraient été promises au régime libyen en échange de ce soutien.
Une alliance trouble
L’affaire s’inscrit dans un contexte diplomatique complexe. En décembre 2007, quelques mois après l’élection de Sarkozy, Mouammar Kadhafi était reçu avec fastes à Paris, suscitant une vive controverse. Ce rapprochement s’était accompagné de contrats économiques et d’accords nucléaires, avant de tourner court : en 2011, la France prendra la tête de l’intervention militaire contre la Libye, scellant la chute du dictateur.
Aujourd’hui, ce virage est relu à la lumière des soupçons de financement occulte. Des avocats représentant l’État libyen ont récemment réclamé 10 millions d’euros de compensation pour atteinte à la démocratie libyenne, soulignant l’ampleur géopolitique du dossier.
Des preuves multiples et des témoins-clés
Le dossier repose sur un faisceau d’éléments concordants, dont plusieurs révélés par Mediapart. Parmi eux : un document signé par Moussa Koussa, ex-chef des services secrets libyens, qui valide le versement de 50 millions d’euros à la campagne de Sarkozy.
Ces éléments sont renforcés par les déclarations de Saif al-Islam Kadhafi, fils du dictateur, ainsi que d’anciens hauts dignitaires du régime. Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri, deux intermédiaires au cœur du dispositif présumé, sont suspectés d’avoir acheminé d’importantes sommes en liquide.
Le procès ne concerne pas uniquement Nicolas Sarkozy. Deux de ses fidèles lieutenants sont également jugés. Claude Guéant, considéré comme un homme clé dans l’architecture de l’État sarkozyste, et Brice Hortefeux, acteur de premier plan de la campagne de 2007, font face à des réquisitions lourdes.
Les magistrats ont mis en lumière la coordination de ces figures dans ce qu’ils qualifient de système parallèle de financement, reposant sur des circuits opaques, des valises de billets et des relations troubles avec Tripoli.
Une succession de procès
Ce procès est le cinquième en cinq ans pour Nicolas Sarkozy, qui porte actuellement un bracelet électronique après sa condamnation dans l’affaire dite des écoutes. Depuis 2012, l’ancien président est impliqué dans plusieurs procédures judiciaires qui entachent son image publique.
Pour le procureur Quentin Dandoy, il ne fait guère de doute que « derrière l’image de l’homme public se dessine, au gré des enquêtes, la silhouette d’un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier les valeurs essentielles de probité et de droiture« .
Au-delà des enjeux judiciaires, ce procès ravive une crise de confiance dans la classe politique. Il s’inscrit dans une séquence où la transparence et la lutte contre la corruption sont devenues des priorités affichées, mais encore inabouties.
Le sarkozysme, avec ses accents sécuritaires et son rapport controversé au pouvoir, demeure un point de clivage majeur dans la société française. Ce procès pourrait bien cristalliser les tensions autour de la moralisation de la vie publique.
Verdict prévu le 10 avril
Le verdict est attendu le 10 avril 2025. Il pourrait redéfinir l’avenir judiciaire de Nicolas Sarkozy, aujourd’hui âgé de 70 ans, qui risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.
« Je démontrerai mon innocence, ça prendra le temps qu’il faudra, mais on y arrivera« , a déclaré l’ancien président dans un entretien au Parisien publié jeudi.
La défense doit plaider le 8 avril, au dernier jour du procès. Mais, quelle que soit l’issue, cette affaire laissera une empreinte indélébile sur le parcours de Nicolas Sarkozy.