Comment fonctionne la voile révolutionnaire de Michelin ?

Propulsion maritime verte : Michelin, avec sa voile textile automatisée, marque une étape clé dans la décarbonation navale avec l'appui de l'État.

Avec Wisamo, sa filiale dédiée à la propulsion vélique, Michelin signe son tout premier contrat commercial : une voile gonflable équipée sur un futur patrouilleur français. Une innovation technique, une avancée écologique, un symbole industriel.

Ce projet, mené avec Socarenam et le cabinet Mauric, a remporté un appel d’offres stratégique lancé par la DGAMPA – la Direction des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture. Objectif : concevoir un navire hybride, diesel-électrique… assisté par une voile textile automatisée, née dans les centres R&D du géant du pneu.

Une voile gonflable pilotée automatiquement

C’est le cœur technologique du projet : une aile textile gonflable, pilotée par un mât télescopique autoporté. Déployée à basse pression grâce à un système de ventilation interne, elle peut s’affaler en moins de cinq minutes, permettant ainsi le passage sous les ponts ou le recours intégral aux moteurs si nécessaire.

Adaptable à la météo, rétractable, entièrement automatisée : cette voile incarne une nouvelle génération de propulsion maritime. Simplicité d’usage, efficacité énergétique, compatibilité avec des équipages non spécialisés… Elle fonctionne comme un « couteau suisse » du transport maritime, entre innovation et robustesse.

Le contrat signé avec la DGAMPA incarne une convergence forte : innovation industrielle, transition écologique, souveraineté technologique. Le futur patrouilleur sera propulsé par un système hybride diesel-électrique, renforcé par l’aile Wisamo. D’une surface de 170 m², celle-ci viendra compléter la motorisation principale pour réduire la consommation, sans compromettre la manœuvrabilité ni la réactivité du navire. Trois acteurs tricolores sont mobilisés : Michelin (Clermont-Ferrand, Vannes, Nantes), le cabinet Mauric (Marseille et Nantes) et le chantier Socarenam (Boulogne-sur-Mer).
Début de la construction : 2025. Installation de la voile : 2027. Et, à la fin de la même année, des essais en mer grandeur nature.

Des tests déjà concluants en mer

L’idée de Wisamo n’est pas tombée du ciel. Elle germe en 2021 dans les centres de recherche de Michelin, avec un objectif clair : réduire l’empreinte carbone du transport maritime. Deux sites sont mobilisés : l’ingénierie à Nantes, la production à Vannes. Rapidement, un premier démonstrateur est testé sur le voilier de Michel Desjoyeaux.

En 2023, une voile de 100 m² équipe ensuite le roulier MN Pélican, affrété par Brittany Ferries. Six mois de navigation dans le golfe de Gascogne valident la résistance, la simplicité d’usage et la pertinence du système. Avant l’embarquement sur le patrouilleur, une version agrandie – 170 m² – sera testée à terre. En parallèle, Wisamo échange déjà avec d’autres armateurs pour équiper de nouveaux navires.

Le navire concerné par ce premier contrat n’est pas un prototype : c’est le remplaçant officiel de l’Iris, patrouilleur en service depuis près de quarante ans. Long de 54 mètres, il sera basé à La Rochelle et opérera dans la zone économique exclusive française.

Ses missions : surveiller les pêches, contrôler les navires, faire respecter les règles environnementales, intervenir en cas de pollution ou de détresse. Une configuration exigeante, qui mettra à l’épreuve la voile Wisamo dans des conditions réelles. Ce même golfe de Gascogne, où le MN Pélican a éprouvé l’aile, sera l’un des terrains d’opération principaux du futur patrouilleur.

Vers une production industrielle des voiles

Ce premier succès ne marque qu’un début. Michelin ambitionne de produire une gamme complète d’ailes, de 60 pieds à 60 mètres, pour des usages aussi variés que la plaisance, le fret ou les navires de travail.
À Vannes, l’industrialisation est en cours : le groupe prévoit une montée en cadence progressive, avec « plusieurs dizaines d’ailes par an » d’ici 2027-2028. L’équipe Wisamo, aujourd’hui composée d’une vingtaine de personnes, devrait croître en parallèle. Des voiles de plus grande taille sont déjà en développement, pour accompagner la transition énergétique de navires encore plus massifs.

Ce contrat avec l’État, ce n’est pas qu’un jalon commercial. C’est la reconnaissance d’un pari industriel ambitieux : faire du vent une ressource active dans la décarbonation maritime. Pour Maude Portigliatti, directrice Business Polymer Composite Solutions et membre du comité exécutif de Michelin, ce succès « valide la pertinence de nos options technologiques et la robustesse de notre solution, confirme également l’esprit pionnier de Michelin ».
Un esprit qui, cette fois, ne cherche pas à dompter le vent, mais à l’apprivoiser. Pour réinventer la mobilité, même là où on ne l’attendait plus : en haute mer.


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