Ils ont conquis les scènes les plus vastes, fait chanter le public de l’Accor Arena à La Défense Arena, écoulé plus d’un million d’albums. Leur rap parle à la France entière, mais leur boussole reste toulousaine. Florian et Olivio Ordonez — Bigflo et Oli à la ville comme à la scène — ne se contentent plus de remplir des stades. Ils bâtissent, pierre après pierre, un empire entrepreneurial discret mais ambitieux, enraciné dans leur territoire et porté par une mécanique bien huilée : une holding familiale, La Familia, dont ils se partagent le capital à parts égales.
Le Rose Festival : ancrage territorial et ambition populaire
L’un des piliers de cette stratégie se nomme Rose Festival. Créé en 2022, au MEETT, le parc des expositions de Toulouse, ce rendez-vous musical a pris en quelques éditions une dimension nationale. Des noms aussi éloignés que Booba, Francis Cabrel, MC Solaar ou Justice s’y succèdent, dessinant une fresque sonore aussi éclectique qu’accessible. En 2024, la troisième édition a attiré plus de 110 000 spectateurs en quatre jours — un chiffre qui ferait pâlir bon nombre d’organisateurs parisiens.
Mais les frères Ordonez ne s’arrêtent pas à la musique. Le festival joue la carte de la transversalité : arts visuels, street culture, engagement local. Un mur de graff de 25 mètres signé Supraw et Karl en est le symbole. « Nous n’avons pas peur du mot populaire », assume Oli. Le ton est donné. Populaire, oui — mais structuré. Avec un budget de 5 millions d’euros, dont 70 % autofinancés grâce à la billetterie, et plus de 1 500 personnes mobilisées entre professionnels et bénévoles, le Rose Festival incarne un modèle hybride, entre passion artistique et rigueur entrepreneuriale.
La Clef
Autre corde à leur arc : La Clef, entreprise fondée en 2023. Son métier : le transport et les services de conciergerie, bien loin des studios d’enregistrement. Mais là encore, une logique de terrain : répondre aux besoins locaux avec des prestations ciblées — garde d’enfants, ménage, réservations. Le carnet de clients fait écho à l’ancrage régional : le Toulouse Football Club, Airbus, La Dépêche du Midi. Une diversification qui n’a rien d’un caprice. Elle dit quelque chose de leur méthode : tester, investir, professionnaliser.
Foodie
En 2021, c’est dans un autre monde qu’ils s’immiscent : celui des dark kitchens. Ces cuisines invisibles, pensées pour la livraison uniquement, séduisent les deux frères. Via La Familia, ils misent sur Foodie, une enseigne bordelaise fondée avec Olivier Sadran, ex-président du TFC. En 2023, l’entreprise affiche un chiffre d’affaires de 488 000 euros. Un petit acteur, certes, mais une pièce de plus dans le puzzle d’un empire en expansion.
Matécito
Leur rapport à l’identité, culturelle autant que géographique, se distille dans Matécito, lancé en 2022. Derrière ce maté bio revisité — grenade, citron, touche de Sud-Ouest —, il y a un hommage à leurs origines argentines. La boisson est disponible dans plus de 200 points de vente en France. Petite production, mais vraie cohérence. Ici encore, la narration importe autant que le produit.
Depuis 2017, ils construisent leur propre marque de mode, Visionnaire. Une vitrine textile, mais aussi un terrain d’expérimentations créatives. En novembre 2024, la marque franchit un cap : une collaboration exclusive avec Warner Bros autour de l’univers Harry Potter. Une cinquantaine de pièces lancées dans leur boutique toulousaine — t-shirts, tote bags, objets insolites issus de la collection personnelle de Florian. C’est la première fois que la saga magique s’associe à une marque française. Ici, la stratégie est limpide : créer l’événement, nourrir la communauté, ancrer l’univers.
Une fibre sociale, constante et assumée
Mais Bigflo et Oli ne construisent pas seulement pour eux. En février 2023, un concert au Zénith de Toulouse permet de collecter 500 000 euros pour le Secours populaire. Par ailleurs, Oli préside la fondation Toulouse Football Cœur, qui soutient chaque mois une association locale agissant contre la précarité ou en faveur de la santé. Dans un paysage culturel souvent tourné vers la seule réussite individuelle, leur engagement social fait figure de rareté.