LinkedIn : et si on arrêtait la comédie ?

LinkedIn, ce grand open space virtuel où tout le monde parle trop fort de sa réussite et où personne ne travaille vraiment. C’est l’eldorado du personal branding, la start-up nation des ambitieux PowerPointisés, le carnaval des auto-proclamés « leaders d’opinion » qui confondent influence et infobésité.

Ici, on ne cherche pas un job, on « développe son réseau ». On ne subit pas un licenciement, on « embrasse de nouveaux challenges ». On ne travaille pas, on « impacte ». Et surtout, on ne se présente jamais comme un simple salarié : on est « Head of Something », « Founder de son propre ego » ou « Visionnaire de l’ordinaire ».

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Tout est « inspirant ». Chaque matin, LinkedIn dégorge de success stories prémâchées, de confessions pseudo-authentiques (« Il y a 5 ans, je dormais dans ma voiture… aujourd’hui, j’investis dans les NFT ! ») et d’histoires faussement poignantes (« J’ai renversé mon café ce matin… et j’ai compris une chose essentielle sur l’échec »). Ajoutez une citation attribuée à Steve Jobs ou à Confucius – qu’ils n’ont évidemment jamais prononcée – et c’est jackpot.

Le triomphe de l’hypocrisie algorithmique

Les interactions sont d’une sincérité douteuse. Vous venez d’ajouter un parfait inconnu et, 30 secondes plus tard, il commente votre profil d’un « Félicitations pour votre nouveau poste ! » alors que vous êtes toujours en CDD précaire depuis trois ans. Vous likez par politesse un post médiocre, et vous voilà abonné aux sagesses LinkedIn d’un coach en développement personnel qui vend des masterclass sur la « mentalité des millionnaires ».

La jungle des messages privés est tout aussi malsaine. Les commerciaux veulent vous « solliciter pour un échange », les coachs en mindset veulent vous « accompagner vers la réussite », et les recruteurs fantômes vous contactent pour une « opportunité incroyable » sous-payée à l’autre bout du pays. Mais il y a aussi un phénomène plus étrange : certains semblent avoir oublié que LinkedIn n’est pas Tinder. « Bonjour Sarah, j’aime beaucoup votre parcours… et votre sourire 😉 » – message envoyé par un type en costard-cravate, probablement persuadé que le réseautage professionnel inclut des propositions douteuses après 18h.

Faut-il quitter LinkedIn, donc ?

Certainement pas. Où trouverait-on sinon une telle concentration de m’as-tu-vu, de fausses valeurs et de storytelling corporate ? Ce serait comme se priver d’un spectacle grandiose. LinkedIn est une comédie humaine en 4K, une mise en scène perpétuelle où chacun joue son rôle avec un sérieux désarmant. Quitter LinkedIn, ce serait se priver de cette fresque absurde du monde du travail contemporain.

Et franchement, qui voudrait manquer ça ?


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