Pourquoi CMA CGM investit 20 milliards de dollars aux Etats-Unis

Les chiffres donnent le vertige : 20 milliards de dollars, 10 000 emplois, une flotte maritime triplée, des entrepôts doublés… Numéro trois mondial du transport maritime, le français CMA CGM s’ancre aux États-Unis, confirmant que l’époque où les entreprises européennes se contentaient d’exporter vers l’Amérique est révolue. Aujourd’hui, pour rester dans la course, elles font le choix d'investir sur place.

Rodolphe Saadé, le PDG de CMA CGM, n’a pas fait les choses à moitié. Officialisé à la Maison Blanche, dans le bureau ovale, son plan d’investissement — l’un des plus importants aux Etats-Unis depuis le retour au pouvoir de Donald Trump — touche toute la chaîne logistique : ports, entrepôts, fret aérien, recherche et développement. L’objectif de Saadé est limpide : contrôler l’intégralité du parcours des marchandises sur le sol américain et se prémunir contre les barrières commerciales annoncées par Donald Trump. Loin d’être un simple coup financier, ce basculement stratégique vers les Etats-Unis pourrait donner à l’armateur français un avantage déterminant face à ses deux principaux rivaux, le suisse MSC et le danois Maersk.

Le virage américain

Pourquoi Rodolphe Saadé a-t-il choisi les États-Unis ? Le pays de l’oncle Sam représente déjà 25 % du chiffre d’affaires de CMA CGM. Alors que les tensions commerciales se multiplient, sécuriser l’accès de l’entreprise au marché américain était devenu une priorité absolue. L’autre raison tient à la politique. Sous Trump comme sous Biden, l’Amérique a fait le choix pour conserver son poids économique d’attirer les investisseurs étrangers et de relocaliser la production. Taxer les importations et offrir des incitations massives aux entreprises qui investissent sur le sol américain. En un mot, Washington déroule le tapis rouge aux investisseurs. La méthode porte ses fruits. L’annonce de CMA CGM en est la meilleure preuve.

Une leçon pour l’Europe

Le plan d’investissement de CMA CGM comporte plusieurs volets :

  • Tripler la flotte maritime sous pavillon américain pour garantir un accès privilégié aux marchés protégés.
  • Moderniser les terminaux portuaires de New York, Los Angeles, Miami, Houston et Dutch Harbor.
  • Doubler le nombre d’entrepôts pour mieux contrôler la logistique et offrir des services premium à l’industrie automobile et aux grandes chaînes de distribution.
  • Créer un hub aérien à Chicago avec cinq nouveaux Boeing 777 tout-cargo, pour capter une partie du fret de haute valeur.
  • Investir dans la R&D à Boston, en misant sur la robotisation et l’automatisation des entrepôts.

Ce plan doit aider CMA CGM à réduire sa dépendance aux infrastructures américaines en en prenant le contrôle. À une époque où les goulets d’étranglement logistiques peuvent coûter des milliards, maîtriser toute la chaîne est un avantage stratégique colossal.

Ce virage américain de CMA CGM met en lumière un paradoxe : les champions européens sont poussés à investir aux États-Unis plutôt que sur leur propre continent. Alors que l’Europe peine à attirer les grands projets industriels, les États-Unis captent toujours plus d’investissements étrangers en jouant sur une politique incitative et un marché structuré. L’Europe doit-elle se résigner à voir ses entreprises se tourner vers l’Amérique ?


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