Pourquoi les enfants français sont-ils nuls en anglais ?

La question est brutale, provocante même, mais elle mérite d’être posée sans détour : pourquoi, en 2025, les enfants français peinent-ils encore à s’exprimer correctement en anglais ?

Pourquoi l’anglais, langue, globalisée, omniprésente, si familière et pourtant si étrangère, continue-t-elle d’échapper à leur maîtrise ? Derrière l’évidence des réponses toutes faites – mauvais enseignement, manque de pratique, frilosité culturelle – se cache une réalité plus politique, plus structurelle : celle d’un pays qui, sous couvert d’exception culturelle, s’est enfermé dans un isolement linguistique qui n’a plus lieu d’être.

Une école qui enseigne mais n’apprend pas

Les méthodes d’apprentissage de l’anglais en France sont obsolètes, souvent déconnectées de la réalité du terrain. L’accent y est mis sur la grammaire, sur des exercices scolaires où la justesse formelle prime sur la capacité à communiquer. Résultat : des élèves qui savent conjuguer to be à tous les temps, mais qui paniquent à l’idée de commander un café à Londres. Ce n’est pas une question de capacité – les enfants français ne sont ni plus ni moins doués que leurs voisins européens – mais de méthode.

Pendant des années, l’enseignement de l’anglais a été pensé comme un exercice académique, là où d’autres pays ont compris qu’une langue s’acquiert dans l’interaction, dans l’immersion. Tandis que les Scandinaves grandissent avec des films et des séries en version originale, nos élèves sont encore exposés à des doublages d’un autre âge, où Bruce Willis garde la voix d’un comédien français.

Entre arrogance et repli

Mais au-delà de l’école, c’est toute une culture qui freine l’apprentissage. La France a toujours entretenu une relation ambiguë avec l’anglais, oscillant entre fascination et rejet. Héritage d’une vieille rivalité historique, d’un souverainisme linguistique qui a vu dans l’anglais une menace pour la langue de Molière, le pays a longtemps résisté là où d’autres ont embrassé l’anglicisation du monde.

Cette résistance a parfois pris des formes ridicules – interdiction des mots anglais dans les publicités, francisation forcée du jargon informatique –, mais elle a surtout nourri un complexe : celui d’un pays qui défend sa langue comme un bastion assiégé, au lieu de la penser comme un pont.

Une élite qui parle anglais, un peuple qui rame

L’ironie est que les élites, elles, maîtrisent parfaitement l’anglais. Grandes écoles, parcours internationaux, séjours à l’étranger : les enfants des classes favorisées savent s’exprimer couramment, tandis que le reste de la population peine à aligner trois phrases correctes. L’inégalité face à l’apprentissage des langues est une inégalité sociale de plus, creusant encore le fossé entre une élite mondialisée et un peuple maintenu dans un entre-soi linguistique.

Là où d’autres pays font de l’anglais une compétence accessible à tous, la France, par son système éducatif et son conservatisme linguistique, en a fait un privilège.

Les solutions existent, elles sont connues : immersion précoce, suppression du doublage systématique, encouragement des échanges internationaux, réforme des méthodes d’enseignement. Mais elles impliquent un changement de mentalité, un renoncement à certaines résistances culturelles. Il ne s’agit pas de céder à un quelconque impérialisme linguistique, mais de reconnaître que l’anglais n’est plus une langue étrangère, mais une langue mondiale.

Là où d’autres pays ont compris que parler anglais, c’est s’ouvrir au monde, la France continue de se croire protégée par sa langue. Mais dans un monde globalisé, refuser l’anglais, c’est refuser l’avenir. Il est temps de sortir de cette illusion.


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