Avec le programme Artemis de la NASA visant à retourner sur la Lune et les futurs voyages sur Mars, l’exploitation des ressources in situ (ISRU) s’impose comme un impératif technique pour l’exploration spatiale.
La compétition est dominée par les États-Unis et la Chine. Washington a pris une longueur d’avance avec le SPACE Act de 2015, autorisant l’exploitation commerciale, et les accords Artemis, définissant un cadre juridique. Le programme Artemis prévoit le retour d’astronautes sur la Lune dès 2025 avec la mission Artemis 3.
De son côté, Pékin développe ses propres programmes lunaires et martiens (Chang’e et Tianwen). La Chine a réussi à poser un rover sur la face cachée de la Lune en 2019 et prévoit d’envoyer des taïkonautes sur la Lune d’ici 2030. Les autres puissances spatiales, comme la Russie, l’Inde ou l’Europe, tentent également de se positionner.
Des tensions au niveau du pôle Sud lunaire
Ces différentes ambitions ont toutes les chances de déboucher sur des tensions pour accéder aux ressources lunaires et martiennes. Des conflits pourraient apparaître autour des zones riches en ressources, notamment le pôle Sud lunaire. Le cratère Shackleton, d’un diamètre de seulement 21 km, concentre à lui seul un ensoleillement quasi-permanent sur sa crête et potentiellement de l’eau glacée dans son fond obscur. Le flou juridique sur l’appropriation des ressources spatiales et la militarisation croissante de l’espace font planer le risque de conflits. Le principe du « premier arrivé, premier servi » pourrait s’imposer de facto…
Néanmoins, des initiatives de coopération existent, comme les missions conjointes de prospection. Mais un besoin de nouvelles règles internationales se fait toutefois sentir pour encadrer l’exploitation des ressources. Le Comité des Nations unies sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) s’est ainsi saisi du sujet en 2022. Mais les négociations s’annoncent difficiles, et les premières recommandations ne sont pas attendues avant 2027 au mieux…
L’Europe peut-elle rater le train ?
L’avenir de l’exploitation des ressources spatiales oscille donc entre compétition et coopération. Si une « guerre des étoiles » ouverte entre les États-Unis et la Chine semble peu probable à court terme, les tensions géopolitiques terrestres pourraient se transposer dans l’espace. L’enjeu est de taille : le secteur spatial représente aujourd’hui un marché d’environ 500 milliards de dollars, qui pourrait atteindre 1 000 milliards d’ici 2040, selon la banque Morgan Stanley.
Face à cette nouvelle donne, l’Europe pourrait rater le train de cette nouvelle économie spatiale. Avec un budget spatial de 7,1 milliards d’euros pour l’agence spatiale européenne en 2024, soit près de trois fois moins que celui de la NASA (25,4 milliards de dollars pour l’année 2024), l’Europe risque la marginalisation. Mais elle n’est cependant pas inactive. L’UE a adopté un programme spatial doté d’un budget de 14,8 milliards d’euros pour la période 2021-2027.
De plus, l’ESA collabore avec la NASA sur plusieurs aspects du programme Artemis, notamment pour la fourniture du module de service européen pour le vaisseau Orion. La coopération internationale pourrait être une clé pour l’Europe afin de ne pas être marginalisée dans cette course aux ressources spatiales.