Un procès hors norme. Un scandale d’État aux résonances internationales. Treize ans après les premières révélations, l’affaire Sarkozy-Kadhafi revient devant la justice. Au cœur du dossier, cette question explosive : la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 a-t-elle été financée par des fonds libyens ?
Avant 2007, la France et la Libye entretiennent des relations fluctuantes, entre prudence et opportunisme. Jacques Chirac garde ses distances avec Mouammar Kadhafi. Nicolas Sarkozy, lui, adopte une autre approche. En octobre 2005, alors ministre de l’Intérieur, il rencontre le Guide libyen, avec l’entremise de Ziad Takieddine, un homme d’affaires au cœur de multiples réseaux.
Derrière cette entrevue, des intérêts multiples. Officiellement, il s’agit d’ouvrir un dialogue diplomatique. Officieusement, des discussions s’engagent autour d’accords commerciaux et de dossiers plus sensibles. Claude Guéant et Brice Hortefeux, proches de Sarkozy, effectuent plusieurs visites en Libye, sous couvert de diplomatie. En 2007, des contrats d’armement sont signés, ajoutant à l’opacité des liens entre Paris et Tripoli.
Des liens troubles entre la France et la Libye avant l’élection de Sarkozy
Dès 2005, les échanges entre Paris et Tripoli s’intensifient. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, entame un rapprochement stratégique avec le régime libyen. Officiellement, la France cherche à normaliser ses relations diplomatiques avec un État longtemps isolé sur la scène internationale. Officieusement, des négociations s’engagent sur des contrats d’armement et des accords énergétiques.
Des intermédiaires comme Ziad Takieddine jouent un rôle clé dans ces tractations. Claude Guéant et Brice Hortefeux, proches de Sarkozy, multiplient les déplacements en Libye. Des fonds commencent à circuler. Des flux financiers troubles apparaissent, alimentant les soupçons qui exploseront quelques années plus tard.
Mediapart révèle des documents accablants
Avril 2012. En pleine campagne présidentielle, le site d’information Mediapart publie un document explosif. Une note de Jean-Charles Brisard, expert en renseignement, évoque un financement de 50 millions d’euros en provenance de Tripoli pour la campagne de Nicolas Sarkozy. Plus troublant encore, un document signé par Moussa Koussa, ancien chef des services secrets libyens, détaillant les versements et les acteurs impliqués.
Réaction immédiate. Sarkozy crie au « complot ». Moussa Koussa dément. Mais la justice authentifie la note.
Témoignages clés et preuves compromettantes contre Nicolas Sarkozy
Les accusations se multiplient. Ziad Takieddine affirme avoir transporté des valises de cash de Tripoli à Paris. D’abord hésitant, il se rétracte, puis finit par confirmer devant caméra. Saïf al-Islam Kadhafi, fils du dictateur, enfonce le clou. Il accuse Nicolas Sarkozy et affirme détenir des preuves. Moftah Missouri, interprète personnel du Guide libyen, confirme l’existence des versements et évoque les pressions subies.
Autre pièce du dossier : le carnet de Choukri Ghanem, ex-ministre du Pétrole libyen, qui mentionne plusieurs paiements, pour un total de 6,5 millions d’euros. Mais en avril 2012, Ghanem est retrouvé noyé dans le Danube. Une disparition troublante. Baghdadi al-Mahmoudi, ancien Premier ministre libyen, corrobore lui aussi les accusations et valide l’authenticité du document de Moussa Koussa.
Procès Sarkozy-Kadhafi en 2025 : corruption, valises de cash et offshore
Dix ans d’enquête. Des perquisitions chez Claude Guéant, Ziad Takieddine, Béchir Salah. Des écoutes, des investigations bancaires. Nicolas Sarkozy porte plainte contre Mediapart pour faux et usage de faux. La justice classe l’affaire : non-lieu.
Le procès s’ouvre le 6 janvier 2025. Nicolas Sarkozy nie en bloc. « Pas un centime libyen dans ma campagne », martèle-t-il. Pourtant, face aux juges, il admet avoir donné son « accord politique » pour permettre à la France d’accueillir le chef d’état-major de Kadhafi, alors visé par un mandat d’arrêt Interpol.
Une autre révélation relance les spéculations. En janvier 2025, Saïf al-Islam Kadhafi, dans une interview à RFI, affirme détenir des enregistrements compromettants sur Nicolas Sarkozy.
Autre piste examinée par la justice : une tentative de vente d’une centrale nucléaire française à la Libye en 2007. Un projet resté secret, qui alimente la thèse d’éventuelles contreparties offertes au régime de Kadhafi.
L’intervention militaire en Libye en 2011 : une opération sous influence ?
L’affaire Sarkozy-Kadhafi ne se limite pas au financement d’une campagne. En 2011, la France intervient militairement en Libye. Officiellement, pour protéger la population contre le régime de Kadhafi. Officieusement, certains y voient une manœuvre pour effacer des traces compromettantes.
Un autre dossier intrigue : en 2011, un ancien dignitaire libyen est exfiltré de Paris dans des conditions troubles. Une opération qui pourrait impliquer l’Élysée.
La chute de Kadhafi, loin de solder les comptes, ouvre une nouvelle boîte de Pandore. Le pays sombre dans le chaos. Les anciens réseaux se disloquent, les témoins disparaissent, les preuves s’évaporent.
Les dates clés de l’affaire Sarkozy-Kadhafi
- 6 janvier 2025 : Ouverture du procès au tribunal correctionnel de Paris.
- 29 janvier 2025 : Témoignage de Alain Juillet, ancien directeur du renseignement de la DGSE, qui affirme avoir mis en garde l’entourage de Sarkozy contre les intermédiaires douteux.
- 30 janvier 2025 : Nicolas Sarkozy reconnaît avoir donné son « accord politique » pour accueillir le chef d’état-major de Kadhafi, alors visé par un mandat d’arrêt Interpol.
- 3 février 2025 : Alexandre Djouhri témoigne sur l’exfiltration de Béchir Saleh en mai 2012, qu’il qualifie de départ « tranquillou ».
- 5 février 2025 : Audiences consacrées à la fuite de Béchir Saleh en mai 2012 malgré une notice rouge d’Interpol.