Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2024, le chiffre d’affaires de H&M est resté quasiment stable, en léger repli de 1 %, à 20,4 milliards d’euros. Mais derrière cette apparente stagnation, le bilan est en dents de scie. La marge brute s’est redressée, atteignant 53,4 % contre 51,2 % un an plus tôt. Une embellie vite éclipsée par une chute brutale du bénéfice net au troisième trimestre (-30 %), obligeant le groupe à revoir ses ambitions de rentabilité à la baisse. La marge opérationnelle s’est arrêtée à 7,4 %, loin des 10 % espérés. Quelques motifs d’espoir cependant : les ventes ont rebondi de 4 % entre décembre et janvier.
Le pari de la montée en gamme
H&M veut sortir du piège des collections interchangeables et des prix tirés vers le bas. L’enseigne se repositionne : des pièces plus pointues, des matières plus qualitatives, mais toujours à des tarifs accessibles. Les collaborations exclusives vont dans ce sens, à l’image de celle prévue avec Glenn Martens, le directeur artistique de Diesel, pour l’automne-hiver 2025. L’objectif ? Se différencier et séduire une clientèle en quête de mode plus affirmée.
En parallèle, le groupe cherche à accélérer son cycle de production. Raccourcir le temps entre la conception et la mise en rayon, s’adapter plus vite aux tendances, c’est la clé pour rester dans la course face à Zara.
Expérience client, le grand chantier
Le digital prend une place grandissante : 30 % du chiffre d’affaires est désormais réalisé en ligne. Mais H&M n’abandonne pas ses magasins pour autant. Certes, 95 boutiques ont fermé en 2024 et une centaine d’autres suivront en 2025. Mais le groupe investit aussi : 80 ouvertures sont prévues sur des marchés porteurs comme le Brésil. L’idée ? Miser sur des points de vente plus expérientiels, où l’on ne vient plus seulement acheter, mais aussi découvrir des collections exclusives, assister à des événements ou écouter des playlists H&M sur Spotify.
Repenser l’approvisionnement
Les tensions géopolitiques et la flambée des coûts de transport ont convaincu H&M d’adopter une approche plus locale. L’enseigne réduit sa dépendance à l’Asie et privilégie des fournisseurs plus proches de ses marchés clés : la Turquie, le Maroc et l’Égypte pour l’Europe, l’Amérique centrale pour les États-Unis et le Brésil. Objectif : sécuriser sa chaîne d’approvisionnement, raccourcir les délais de production et limiter l’impact des fluctuations monétaires et tarifaires.
Shein dans le viseur, mais pas à n’importe quel prix
H&M refuse de jouer la carte du tout low-cost face à Shein, qui a généré 50 milliards de dollars de ventes en 2024 avec son modèle ultra-rapide et ultra-bon marché. Le groupe suédois assume une autre voie : maintenir des prix accessibles, mais avec un engagement qualité et une ambition durable. Daniel Ervér, le nouveau PDG, fixe un cap clair : une croissance annuelle de 10 % et une marge opérationnelle de 10 %. Un pari audacieux dans un marché sous pression.
La transformation passe aussi par une refonte du portefeuille de marques et du réseau de distribution. En 2024, H&M a tiré un trait sur 116 magasins, dont 95 à son nom. Monki disparaîtra, absorbé par Weekday. Afound, la plateforme de déstockage, a été cédée. La cure d’amaigrissement se poursuivra en 2025 avec d’autres fermetures, mais aussi des investissements ciblés sur les marchés en croissance.
Un avenir incertain
H&M est à la croisée des chemins. Sa montée en gamme, sa régionalisation et son recentrage sur l’expérience client lui permettront-ils de reprendre l’ascendant ? Rien n’est joué. Les investisseurs, eux, restent prudents : le titre a perdu 4 % à la Bourse de Stockholm. Le virage est lancé, mais la route reste semée d’embûches.