Le crédo de Charles Gave est connu : un libéralisme sans concessions, un rejet viscéral de l’euro et une méfiance assumée envers l’État. À plus de 80 ans, il continue de secouer le débat public.
L’argent et les idées
Né à Alep en 1943, Charles Gave grandit dans une famille marquée par l’histoire coloniale et les engagements gaullistes. Diplômé de Sciences Po Toulouse, il part aux États-Unis décrocher un MBA, puis débute comme analyste financier à la Banque de Suez. Très vite, il prend son indépendance et fonde en 1974 sa première société de gestion.
Lorsque François Mitterrand arrive au pouvoir en 1981, il quitte la France, convaincu que le tournant socialiste va mener le pays à la ruine. Direction Londres, puis Hong Kong, où il développe Gavekal, une société de conseil en gestion d’actifs qui devient une référence dans le monde de l’investissement.
L’homme fait fortune en anticipant les grands cycles économiques, mais il cultive une image d’outsider. Un franc-tireur du marché. Son approche : une méfiance instinctive envers les interventions étatiques et une foi inébranlable dans les mécanismes du capitalisme. Pour lui, la « destruction créatrice » est une nécessité, et toute tentative de régulation excessive freine la croissance.
Charles Gave, idéologue assumé
Gave ne se contente pas de jouer les gourous de la finance. Il veut peser sur les idées. En 2012, il lance l’Institut des Libertés, un think tank qui prône un libéralisme conservateur et un État réduit à ses fonctions régaliennes. Son mantra : moins d’impôts, moins de bureaucratie, plus de responsabilité individuelle. Il n’a pas de mots assez durs contre « l’État-providence », qu’il accuse d’entretenir une dépendance généralisée et de mener la France à la ruine.
Hostile à l’Union européenne, il milite pour un « Bruxit » et admire ouvertement le modèle suisse. En 2019, il soutient Nicolas Dupont-Aignan, puis finance Éric Zemmour en 2022 avant de prendre ses distances. Mais Gave n’est pas un homme d’appareil. Il préfère l’influence discrète aux jeux partisans.
Un provocateur permanent
L’homme n’a pas peur des formules qui claquent. Sur l’euro, qu’il qualifie de « catastrophe annoncée » dès 2003. Sur l’écologie, qu’il réduit souvent à une « lubie collectiviste ». Sur l’islam, qu’il attaque frontalement. Ses propos lui valent des accusations de complotisme et des classements à l’extrême droite, ce qu’il rejette en bloc.
Il se méfie des élites, qu’il accuse de mépriser les peuples, et fustige l’influence de personnalités comme George Soros. Son style est tranchant, parfois outrancier. Sur les femmes, il lâche une phrase qui fait scandale : « Elles s’occupent de leur frigo, pas du destin de l’humanité. » La polémique est immédiate. Il persiste et signe.
Un oracle pour une partie de la jeunesse
Malgré les controverses, Gave trouve un écho grandissant, notamment chez les jeunes générations en quête d’alternatives au discours dominant. Ses vidéos, ses tribunes et ses interventions sur les réseaux sociaux font mouche. Son influence dépasse le cercle restreint des économistes libéraux pour toucher une frange plus large du souverainisme français.
S’il divise, c’est qu’il pose des questions qui dérangent : l’Europe est-elle encore un atout ou un carcan ? L’État français est-il trop gros pour être réformé ? La démocratie directe à la suisse est-elle une voie d’avenir ? Ses solutions sont radicales, parfois irréalistes. Mais elles obligent à réfléchir.
Charles Gave, inclassable, excessif, dérangeant. Mais surtout, incontournable.