Une étude de Rexecode, réalisée pour la Fédération Syntec, a chiffré ce fardeau : 7,9 milliards d’euros par an. Et ce n’est pas un problème anecdotique. Ce mécanisme complexe agit comme un frein, empêchant l’économie française d’accélérer là où elle en a le plus besoin.
Le coût du travail en France suit une trajectoire déroutante. Il est bas pour les bas salaires – au niveau du SMIC, il est même parmi les plus compétitifs d’Europe. Mais dès que les rémunérations augmentent, la machine fiscale se déchaîne. À partir de 2 SMIC, le coût du travail dépasse celui de l’Italie. À 3 SMIC, il est plus élevé qu’en Allemagne. Et au-delà de 5 SMIC, il surclasse même celui des Pays-Bas.
Cette situation s’explique par une caractéristique bien française : le coin socio-fiscal, cet ensemble de prélèvements (cotisations sociales, impôts, contributions) qui pèse sur le salaire brut. En France, ce coin est non seulement lourd, mais aussi très progressif. Contrairement à la plupart des pays européens, où ces prélèvements stagnent ou diminuent à partir d’un certain niveau de revenus, ils continuent d’augmenter chez nous. Résultat : un salarié payé 3 SMIC coûte autant à son employeur en France qu’en Allemagne, mais son revenu disponible est nettement inférieur.
Effets pervers
Cette surcharge fiscale produit un effet « ciseau » qui frappe l’économie sur deux fronts : l’offre de travail et la compétitivité des entreprises.
- Un découragement pour les talents
Pourquoi investir dans une longue formation, exigeante et coûteuse, si le gain salarial attendu est grignoté par les prélèvements ? Pour les jeunes, l’équation devient vite décourageante. Et pour ceux qui s’y engagent malgré tout, la récompense semble bien maigre. - Un coût insoutenable pour les entreprises
Dans des secteurs stratégiques comme le numérique, le conseil ou l’ingénierie, la facture est salée : 7,9 milliards d’euros par an, dont 6,6 milliards sont directement répercutés sur les clients. Ces surcoûts nuisent à la compétitivité des entreprises françaises face à leurs concurrents étrangers. - Un frein à la mobilité sociale :
En réduisant le pouvoir d’achat des classes moyennes supérieures, la surfiscalité renforce les inégalités et limite les possibilités d’ascension sociale. Ceux qui aspirent à « gravir l’échelle » se heurtent à une marche fiscale infranchissable.
Réformer ou stagner
La France ne peut pas se permettre de rester prisonnière de ce cercle vicieux. Des solutions existent, mais elles nécessitent du courage politique :
- Alléger les prélèvements sur les salaires moyens et élevés :
En réduisant graduellement les cotisations au-delà de 1,6 SMIC, on pourrait donner un coup de pouce aux salariés qualifiés tout en soulageant les entreprises. - Diversifier les recettes fiscales :
Plutôt que d’écraser le travail, il est possible de taxer des ressources moins mobiles, comme la consommation ou les externalités négatives. - Réorienter les formations :
Favoriser les filières scientifiques et techniques, où les besoins sont criants, permettrait de mieux aligner l’offre et la demande de travail qualifié.
Une opportunité à saisir
La surfiscalisation du travail qualifié est un boulet pour l’économie française. Elle pénalise ceux qui devraient être les moteurs de la croissance : les talents, les entrepreneurs, les innovateurs. Si rien n’est fait, la France continuera de perdre du terrain face à ses voisins. Mais en réformant intelligemment son système fiscal, elle pourrait inverser la tendance et libérer l’énergie de son économie. Les solutions sont là. Reste à savoir si nous aurons la volonté de les mettre en œuvre.