Jamais depuis le début des années 2000, l’économie de la première puissance européenne n’avait enregistré une telle stagnation. Et cette crise n’est pas qu’un simple accident de parcours : elle révèle des failles structurelles profondes qui menacent le cœur de l’économie allemande.
Les rouages grippés de l’industrie
Si l’on devait chercher un coupable, l’industrie manufacturière allemande s’imposerait d’emblée. Ce pilier historique vacille sous le poids de multiples pressions. Prenons l’automobile, par exemple. Pendant des décennies, les Audi, Mercedes et Volkswagen ont symbolisé l’excellence allemande. Mais aujourd’hui, ces géants se font distancer par la concurrence chinoise, plus agressive sur les voitures électriques, et par Tesla, leader incontesté de l’innovation.
Ajoutez à cela des coûts de l’énergie en flèche depuis la guerre en Ukraine, et vous obtenez une équation presque insoluble. Produire en Allemagne coûte cher, parfois trop cher, surtout dans des secteurs énergivores comme la chimie ou la métallurgie.
Le résultat ? Une chute brutale de la production industrielle : -3 % en 2024. Le pays autrefois surnommé la fabrique de l’Europe peine désormais à alimenter ses propres chaînes de valeur.
Exportations en berne, demande intérieure atone
Un autre signal d’alerte provient des exportations, véritable carburant de l’économie allemande. Malgré une croissance globale du commerce mondial, elles ont reculé de 0,8 % en 2024. L’Allemagne, habituée à dominer les marchés internationaux, semble soudain à contre-courant.
Sur le front intérieur, la situation n’est guère plus brillante. Les ménages allemands, historiquement prudents, serrent encore plus les cordons de leur bourse. La consommation n’a progressé que de 0,2 % en 2024, et reste inférieure à son niveau de 2019. Résultat : un taux d’épargne qui culmine à 11,6 %. L’épargne sécurise, mais elle ne fait pas tourner les boutiques.
Et côté investissements ? Là encore, la déception est au rendez-vous. Les dépenses en biens d’équipement – un indicateur clé de la confiance des entreprises – ont chuté de 5,5 %. L’avenir semble incertain, et les entreprises préfèrent attendre des jours meilleurs avant de se lancer dans de nouveaux projets.
Les secteurs en crise
Certains secteurs incarnent à eux seuls les difficultés allemandes. L’automobile, bien sûr, reste l’emblème d’un déclin industriel inquiétant. Mais d’autres domaines, plus discrets, souffrent également :
- La construction : le ralentissement est sévère, avec une baisse de 3,8 % de la valeur ajoutée brute en 2024. Ce secteur, qui avait pourtant connu une embellie après la crise sanitaire, subit désormais le contrecoup de la hausse des taux d’intérêt et de la flambée des coûts des matériaux.
- Les industries énergivores : la facture énergétique reste un boulet pour ces entreprises, dont certaines envisagent même de délocaliser hors d’Europe pour alléger leurs charges.
Des perspectives sombres
Face à ce tableau noir, les économistes allemands se montrent pessimistes. Beaucoup anticipent une troisième année de récession en 2025. Pour le gouvernement qui prendra les rênes après les élections législatives du 23 février, le défi sera colossal.
Certaines réformes sont d’ores et déjà évoquées, notamment un assouplissement de la fameuse règle du « frein à la dette », qui limite les déficits publics. Mais dans un pays où l’orthodoxie budgétaire est une véritable religion, ces changements risquent de se heurter à une forte opposition.
Et pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : malgré une gestion budgétaire stricte, le déficit public a atteint 2,6 % du PIB en 2024. Un indicateur qui montre que l’Allemagne n’a plus beaucoup de marges de manœuvre.