Créée en 2022 par l’ancien défenseur du FC Barcelone Gerard Piqué, la Kings League s’est imposée en un temps record comme un phénomène hybride entre e-sport, téléréalité et football. Derrière ses règles spectaculaires et ses présidents stars venus de YouTube ou de Twitch, un business model redoutable se déploie. Avec la France comme prochaine étape, la ligue vise un marché mondial. Analyse d’une stratégie où l’économie du spectacle devient la clé de voûte du jeu.
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Un format de jeu calibré pour la monétisation
La Kings League ne ressemble à aucune autre compétition de football. Matches de 40 minutes divisés en deux mi-temps de 20 minutes, remplacements illimités, règles évolutives, « cartes secrètes » aux effets stratégiques, tirs au but façon hockey sur glace, ou encore un lancer de dé pour déterminer des avantages en fin de match : tout est pensé pour maintenir un rythme effréné et capter l’attention en continu.
Ce format condensé et spectaculaire est parfaitement adapté aux plateformes numériques — Twitch en tête — où la rétention d’audience conditionne la monétisation. En s’éloignant du cadre FIFA, la Kings League assume une approche plus proche du jeu vidéo que du sport traditionnel.
Des influenceurs-rois au service du spectacle
Pour s’assurer un public fidèle et massif, la ligue a misé sur une alliance inédite entre joueurs professionnels et influenceurs ultra-populaires. Chaque équipe est présidée par une personnalité disposant d’une forte communauté en ligne. En France, on retrouve ainsi Mike Maignan, Jules Koundé ou Adil Rami, mais aussi Kameto, Michou, Pfut ou encore Squeezie.
Ces présidents, véritables têtes d’affiche marketing, apportent avec eux des millions de followers. Une manne inestimable pour les sponsors, qui y voient l’opportunité de toucher une audience jeune, connectée, et souvent insaisissable pour les médias traditionnels.
Avec AmineMaTue en ambassadeur, conseillé par Samir Nasri et Jérémy Menez, la stratégie d’influence prend une dimension encore plus spectaculaire, mêlant storytelling, émotions et viralité.
La France : un laboratoire stratégique
La Kings League française, dont la première saison se déroulera du 6 avril au 7 mai 2025, représente plus qu’un simple tournoi local : c’est une tête de pont stratégique pour conquérir un nouveau marché.
8 équipes, un format playoff, et une qualification pour la Kings World Cup à la clé.
Une draft en direct pour former les équipes, façon NBA, avec un format « serpent » et des profils inattendus — comme le neveu de Zidane ou un joueur dont l’histoire a inspiré un film nommé aux Oscars.
Des partenaires médias bien choisis : M6+ pour la télé connectée, Twitch pour le streaming live.
Cette structuration permet une planification commerciale lisible pour les annonceurs, tout en générant un storytelling pré-compétition fort, à la manière d’une série.
Un modèle global pensé pour l’international
Née à Barcelone, la Kings League a rapidement prouvé son potentiel économique. Dès 2022, le succès espagnol — avec InfoJobs comme sponsor principal — a validé la viabilité du concept. La suite s’est jouée à l’échelle planétaire.
En 2024, la Kings World Cup au Mexique, présidée par Zlatan Ibrahimović, a fait office de vitrine mondiale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 500 000 spectateurs en moyenne pour les matchs de l’équipe française.
L’expansion s’accélère :
- Kings League Américas : finale au stade Azteca (Mexico), 940 000 spectateurs en moyenne, avec des pics à 2,4 millions selon Adidas, partenaire global.
- Prochains marchés : France, Italie, Royaume-Uni, Brésil, États-Unis.
Pour piloter cette croissance, Gerard Piqué a recruté Djamel Agaoua, ex-patron de Viber et ancien directeur Europe de la NBA, en tant que directeur général. Un signal fort : l’ambition n’est plus seulement sportive, elle est industrielle.
Sponsoring et vues : les piliers du modèle économique
Derrière l’emballage ludique, le modèle économique de la Kings League repose sur trois piliers : l’audience, le sponsoring et la monétisation digitale.
Sponsoring ciblé
Le Crédit Agricole est le premier grand sponsor français à s’engager, avec présence sur les maillots et activations spécifiques. L’objectif : rajeunir son image et toucher la Gen Z via les codes des plateformes numériques.
Selon la directrice commerciale de la Kings League France, le sponsoring représentera l’une des principales sources de revenus, aux côtés de la diffusion et du merchandising.
Diffusion massive
La diffusion sur Twitch et M6+ garantit une large visibilité. Là où DAZN (diffuseur de la Ligue 1) plafonne à 500 000 abonnés en France, les présidents de la Kings League cumulent plusieurs millions de followers, offrant un levier d’audience et de conversion direct.
Vues et replays
Les rediffusions explosent les compteurs : 212 millions de vues en replay recensées sur l’ensemble des compétitions. Ce chiffre attire l’attention des marques en quête de formats souples, adaptables, et viralisables.
La Kings League ou le football comme produit média total
La Kings League ne cherche pas à concurrencer la FIFA ou l’UEFA sur leur terrain : elle invente un autre jeu, une autre temporalité, un autre public. Pensée dès le départ comme un divertissement digital, elle réunit les codes du gaming, des réseaux sociaux et du sport-spectacle.
Ce modèle hybride séduit les investisseurs, les marques et les spectateurs à la recherche d’expériences renouvelées. En France comme ailleurs, elle pourrait bien préfigurer une mutation profonde de l’économie du football — où ce qui se joue, désormais, ce n’est pas seulement un ballon rond, mais l’attention monétisable des foules.
Les chiffres-clés de la Kings League
- 212 millions de vues en replay cumulées (toutes éditions confondues)
- 940 000 spectateurs de moyenne en Amérique Latine
- 8 équipes pour la Kings League France
- +10 millions de followers cumulés pour les présidents français
- 500 000 spectateurs en moyenne pour les matchs de l’équipe française à la Kings World Cup